785. Quel est le plus grand obstacle au progrès ?
« L'orgueil et l'égoïsme ; je veux parler du progrès moral, car le
progrès intellectuel marche toujours ; il semble même au premier abord
donner à ces vices un redoublement d'activité en développant l'ambition
et l'amour des richesses qui, à leur tour, excitent l'homme aux
recherches qui éclairent son Esprit. C'est ainsi que tout se tient dans
le monde moral comme dans le monde physique, et que du mal même peut
sortir le bien ; mais cet état de choses n'aura qu'un temps ; il
changera à mesure que l'homme comprendra mieux qu'il y a en dehors de la
jouissance des biens terrestres un bonheur infiniment plus grand et
infiniment plus durable. » (Voyez Egoïsme, chapitre XII).
Il y a deux espèces de progrès qui se prêtent un mutuel appui, et
pourtant ne marchent pas de front, c'est le progrès intellectuel et le
progrès moral. Chez les peuples civilisés, le premier reçoit, dans ce
siècle-ci, tous les encouragements désirables ; aussi a-t-il atteint un
degré inconnu jusqu'à nos jours. Il s'en faut que le second soit au même
niveau, et cependant si l'on compare les moeurs sociales à quelques
siècles de distance, il faudrait être aveugle pour nier le progrès.
Pourquoi donc la marche ascendante s'arrêterait-elle plutôt pour le
moral que pour l'intelligence ? Pourquoi n'y aurait-il pas entre le
dix-neuvième et le vingt-quatrième siècle autant de différence qu'entre
le quatorzième et le dix-neuvième ? En douter serait prétendre que
l'humanité est à l'apogée de la perfection, ce qui serait absurde, ou
qu'elle n'est pas perfectible moralement, ce qui est démenti par
l'expérience.