- Mais quelle ressource a le vieillard qui a besoin de travailler pour vivre, et qui ne le peut pas ?
« Le fort doit travailler pour le faible ; à défaut de famille, la société doit lui en tenir lieu : c'est la loi de charité. »
Ce n'est pas tout de dire à l'homme qu'il doit travailler, il faut
encore que celui qui attend son existence de son labeur trouve à
s'occuper, et c'est ce qui n'a pas toujours lieu. Quand la suspension du
travail se généralise, elle prend les proportions d'un fléau comme la
disette. La science économique cherche le remède dans l'équilibre entre
la production et la consommation ; mais cet équilibre, à supposer qu'il
soit possible, aura toujours des intermittences, et pendant ces
intervalles le travailleur n'en doit pas moins vivre. Il est un élément
qu'on n'a pas assez fait entrer dans la balance, et sans lequel la
science économique n'est qu'une théorie : c'est l'éducation
; non pas l'éducation intellectuelle, mais l'éducation morale ; non pas
encore l'éducation morale par les livres, mais celle qui consiste dans l'art de former les caractères, celle qui donne des habitudes : car l'éducation est l'ensemble des habitudes acquises.
Quand on songe à la masse d'individus jetés chaque jour dans le torrent
de la population, sans principes, sans frein et livrés à leurs propres
instincts, doit-on s'étonner des conséquences désastreuses qui en
résultent ? Quand cet art sera connu, compris et pratiqué, l'homme
apportera dans le monde des habitudes d'ordre et de prévoyance pour lui-même et les siens, de respect pour ce qui est respectable,
habitudes qui lui permettront de traverser moins péniblement les
mauvais jours inévitables. Le désordre et l'imprévoyance sont deux
plaies qu'une éducation bien entendue peut seule guérir ; là est le point de départ, l'élément réel du bien-être, le gage de la sécurité de tous.