Comme réponse à certaines calomnies que les
adversaires du Spiritisme se plaisent à déverser contre la Société, nous
croyons devoir publier les demandes d'admission formulées dans les deux lettres
ci-après que nous faisons suivre de quelques remarques.
A monsieur le président de la Société des Etudes
spirites de Paris.
« Monsieur,
Me serait-il permis d'aspirer à être admis comme
membre de l'honorable Société que vous présidez ?
J'ai eu le bonheur aussi de connaître le Spiritisme,
et d'éprouver dans toute sa plénitude son influence bienfaisante. J'étais en
proie depuis longtemps à la souffrance physique, et conséquemment à la
souffrance morale qui en découle naturellement quand la pensée ne voit pour
compensation que le doute et l'incertitude. Le Livre des Esprits est entré chez
moi comme le sauveur dont la main bienfaisante nous retire de l'abîme, comme le
médecin qui guérit instantanément.
J'ai lu, j'ai compris ; et aussitôt la souffrance
morale a fait place à un immense bonheur, devant lequel s'est tue la souffrance
physique, car, dès lors, celle-ci ne m'est plus apparue que comme un effet de
la volonté et de la sagesse divines, qui ne nous envoient des maux que pour
notre plus grand bien.
Déjà, sous l'influence de cette croyance bienfaisante,
mon état physique s'est sensiblement amélioré, et j'espère que Dieu complètera
son œuvre, car si je désire aujourd'hui le retour à la santé, ce n'est plus,
comme autrefois, pour jouir de la vie, mais pour la consacrer uniquement au
bien, c'est-à-dire pour l'employer exclusivement à marcher vers l'avenir, en
travaillant avec ardeur, et par tous les moyens en mon pouvoir, au bien de mes
semblables, et particulièrement en me vouant à la propagation de la sublime
doctrine que Dieu, dans sa bonté infinie, envoie à la pauvre humanité pour la
régénérer.
Gloire soit donc rendue à Dieu pour la divine lumière
que, dans sa miséricorde, il a daigné envoyer à ses aveugles créatures !
Et grâces vous soient rendues, à vous, monsieur, qu'il a choisi pour leur
apporter le flambeau sacré !
Si vous daignez, monsieur, accueillir ma demande, je
vous serai profondément reconnaissant de la transmettre à vos honorables
collègues. Je n'ai pas l'honneur d'être connu de vous personnellement, mon état
de santé m'a toujours empêché de vous visiter ; mais mon ami M. Canu est
votre collègue, il voudra bien répondre pour moi.
Veuillez agréer, monsieur et cher maître, l'assurance
de mes sentiments respectueux et de mon sincère dévouement.
Hermann Hobach. »
« Monsieur et vénéré maître,
Confiant en votre bienveillance, je viens vous
adresser une prière qui, si elle était exaucée, me comblerait de joie. J'ai
déjà eu l'honneur de vous écrire, il y a quelque temps, dans le double but de
vous exprimer les sentiments pour ainsi dire nouveaux qu'avait fait naître en
moi la lecture sérieuse du Livre des Esprits, et d'obéir au devoir sacré de
remercier l'homme vénéré qui tend une main secourable au courage chancelant des
faibles de ce monde, au nombre desquels je me trouvais il y a bien peu de temps
encore, par l'ignorance de ces principes sublimes qui désignent enfin à l'homme
une tâche à remplir selon ses forces et ses facultés.
Vous fîtes à cette lettre une réponse pleine
d'aménité, et par laquelle vous m'invitiez à venir, comme auditeur, assister
aux séances générales de la Société. Ces séances et la lecture du Livre des
Médiums ne firent que me donner de plus en plus la force et le courage, et m'inspirèrent
le désir de faire partie d'une société fondée sur ces mêmes principes qui
venaient d'écarter le trouble, la diffusion, le chaos, qui présidaient à toutes
mes actions ; j'en étais venu à supposer que le mot de l'énigme de
l'existence devait être bien insignifiant, car mon esprit ne m'avait pas encore
fait comprendre que, hors du monde matériel qui m'entourait, était un monde
spirituel, marchant concurremment avec le nôtre vers l'amélioration.
« J'affirme donc de nouveau, monsieur, heureux si
je pouvais l'affirmer devant le monde entier des incrédules et des sceptiques,
que la doctrine spirite a fait en moi un changement tellement radical dans ma
manière d'être, que ce changement pourrait certes, sans exagération, être
qualifié de miracle, en ce que, me dessillant les yeux sur tout le bien que
l'on peut faire et que l'on ne fait pas, j'aperçus d'abord un but à notre vie
actuelle, et ensuite, qu'accablé de défauts de toute espèce, je vis enfin que
la Providence ne nous avait pas laissé manquer de besogne, et que l'Esprit
n'avait pas trop d'une existence pour se perfectionner en travaillant à dominer
d'abord son corps, pour pouvoir ensuite se dominer lui-même.
Si vous jugez convenable, monsieur, de me recevoir,
quoique bien jeune encore, comme un des membres de la Société spirite, je vous
prie de vouloir bien présenter ma requête au conseil, et lui affirmer que
l'honneur que me ferait la Société en me recevant dans son sein serait apprécié
par moi avec le sentiment de la plus entière reconnaissance.
Veuillez recevoir, monsieur, l'assurance de ma
profonde vénération.
Paul Albert. »
Si de telles lettres honorent leurs auteurs, elles
honorent aussi la Société à laquelle elles sont adressées, et qui voit avec
bonheur ceux qui demandent à en faire partie animés par de tels sentiments.
C'est une preuve qu'ils comprennent le but exclusivement moral que la Société
se propose, puisqu'ils ne sont pas mus par une vaine curiosité, qu'il
n'entrerait point, d'ailleurs, dans nos vues de satisfaire. La Société
n'accueille que les gens sérieux, et des lettres comme celles qui viennent
d'être rapportées en indiquent le véritable caractère. C'est parmi les adeptes
de cette catégorie qu'elle est heureuse de se recruter, et c'est la meilleure
réponse qu'elle puisse faire aux détracteurs du Spiritisme qui s'efforcent de
la présenter, ainsi que ses sœurs des départements et de l'étranger qui
marchent sous le même drapeau, comme des foyers dangereux pour la raison et
l'ordre public, ou comme une vaste spéculation. Plût à Dieu que le monde n'eût
pas d'autres sources de perturbation !
Le Spiritisme moderne, comme nous l'avons dit, aura
son histoire, qui sera celle des phases qu'il aura parcourues, de ses luttes et
de ses succès, de ses défenseurs, de ses martyrs et de ses adversaires, car il
faut que la postérité sache de quelles armes on s'est servi pour
l'attaquer ; il faut surtout qu'elle connaisse les hommes de cœur qui se
sont dévoués à sa cause avec une entière abnégation, un complet
désintéressement matériel et moral, afin qu'elle puisse leur payer un juste
tribut de reconnaissance. C'est une grande joie pour nous quand il nous est
donné d'inscrire un nouveau nom glorieux par sa modestie, son courage et ses
vertus, sur ces annales où sont confondus le prince et l'artisan, le riche et
le pauvre, les hommes de tous les pays et de toutes les religions, car pour le
bien il n'est qu'une seule caste, une seule secte, une seule nationalité et un
seul drapeau : celui de la fraternité universelle.
La Société spirite de Paris, la première qui fut
fondée et officiellement reconnue, celle qui, on peut le dire, a donné
l'impulsion, et sous l'égide de laquelle se sont formés tant d'autres groupes
et sociétés, qui est devenue par la force des choses, et tout restreint que
soit le nombre de ses membres, le centre du mouvement spirite, puisque ses
principes sont ceux de la presque universalité des adeptes, cette Société,
disons-nous, aura aussi ses annales pour l'instruction de ceux auxquels nous
préparons la voie, et pour la confusion de ses calomniateurs.
Ce n'est pas seulement au loin que la calomnie jette
son venin, c'est à nos portes mêmes. Dernièrement, une personne nous dit que,
depuis longtemps, elle avait le plus grand désir d'assister à quelques séances
de la Société, mais qu'elle en avait été retenue parce qu'on lui avait affirmé
qu'il fallait payer dix francs. Sa surprise fut grande, et nous pouvons dire sa
joie, quand nous lui dîmes que ce bruit était le fait de la malveillance ;
que depuis que la Société existe, jamais un auditeur n'a payé un centime ;
qu'il n'est imposé aucune obligation pécuniaire sous quelque forme et à quelque
titre que ce soit, ni comme abonnement à la Revue spirite, ni comme achat de
livres ; qu'aucun de nos médiums n'est rétribué, tous, sans exception, donnant
leur concours par pur dévouement pour la cause ; que les membres
titulaires et associés participent seuls aux frais matériels, mais que les
membres correspondants et honoraires ne supportent même aucune charge, la
Société se bornant à subvenir à ses dépenses courantes, restreintes autant que
possible, et n'amassant point de capital ; que le Spiritisme est une chose
toute morale, qui ne peut, pas plus que les choses saintes, être l'objet d'une
exploitation que nous avons toujours répudiée verbalement et par écrit ;
qu'ainsi il ne peut y avoir qu'une malveillance insigne capable de prêter à la
Société de pareilles idées.
Nous ajouterons que l'auteur de ce renseignement
officieux a dit avoir payé ses dix francs, ce qui prouve qu'il ne se rendait
point innocemment l'écho d'un faux bruit. La Société spirite de Paris, par sa
position même et par le rôle qu'elle remplit, ne peut manquer d'avoir plus tard
un certain retentissement ; il est donc nécessaire, pour nos frères des
temps à venir, que son but et ses tendances ne soient pas dénaturés par les
manœuvres de la malveillance, et, pour cela, il ne suffit pas de quelques
réfutations individuelles qui n'ont d'effet que pour le présent et se perdent
dans la foule ; les rétractations que l'on obtient ne sont qu'une satisfaction
momentanée dont le souvenir est bientôt passé ; il faut un monument
spécial, authentique et durable, et ce monument se fera en temps utile ;
en attendant, laissons nos adversaires se discréditer eux-mêmes par le
mensonge : la postérité les jugera.