Le Pardon. (Société Spirite de Paris. ‑ Médium, M. A. Didier.)Comment peut-on donc trouver en soi la
force de pardonner ? La sublimité du pardon, c'est la mort du Christ
sur le Golgotha ! Or, je vous ai déjà dit que Christ avait résumé dans
sa vie toutes les angoisses et toutes les luttes humaines. Tous ceux qui
méritaient le nom de chrétiens avant Jésus-Christ sont morts le pardon
sur les lèvres : les défenseurs des libertés opprimées, les martyrs des
vérités et des grandes causes ont tellement compris la hauteur et la
sublimité de leur vie qu'ils n'ont pas failli au dernier moment, et
qu'ils ont pardonné. Si le pardon d'Auguste n'est pas tout à fait
historiquement sublime, l'Auguste de Corneille, le grand tragique, est
maître de lui comme de l'univers, parce qu'il pardonne. Ah ! qu'ils sont
mesquins et misérables, ceux qui possédaient le monde et qui ne
pardonnaient pas ! Qu'il est grand, celui qui tenait dans l'avenir des
siècles toutes les humanités spirituelles, et qui a pardonné ! Le pardon
est une inspiration, souvent un conseil des Esprits. Malheur à ceux qui
ferment leurs cœurs à cette voix : ils seront punis, comme dit
l'Ecriture, car ils avaient des oreilles et ils n'ont point écouté ; Eh
bien ! si vous voulez pardonner, si vous vous sentez faibles devant
vous-mêmes, contemplez la mort du Christ. Voilà pourquoi le grand
principe de la sagesse antique était avant tout de se connaître
soi-même. Avant de se lancer dans la lutte, on apprenait aux athlètes,
pour les jeux, pour les luttes grandioses, les moyens sûrs de vaincre. A
côté, dans les lycées, Socrate apprenait qu'il y avait un Etre suprême,
et, quelque temps après, des siècles avant Christ, il apprenait à la
nation grecque entière à mourir et à pardonner. L'homme vicieux, bas et
faible, ne pardonne pas ; l'homme habitué aux luttes personnelles, aux
réflexions justes et saines, pardonne facilement.
Lamennais.