Réponses à la question des anges déchus
Remarque. — Nous avons reçu de divers côtés des réponses à toutes les questions
proposées dans le numéro de janvier dernier. Leur étendue ne nous permet pas de
les publier toutes simultanément ; nous nous bornons aujourd'hui à la
question des anges rebelles.
(Bordeaux. — Médium, madame Cazemajoux.)
Mes amis, la théorie contenue dans le résumé que vous
venez de lire est la plus logique et la plus rationnelle. La saine raison ne
peut admettre la création d'Esprits purs et parfaits se révoltant contre Dieu
et cherchant à l'égaler en puissance, en majesté, en grandeur.
Avant d'arriver à la perfection, l'Esprit ignorant et
faible, laissé à son libre arbitre, se livre trop souvent à la corruption, et
se plonge à plaisir dans l'océan de l'iniquité ; mais ce qui cause surtout
sa perte, c'est l'orgueil. Il nie Dieu, attribue au hasard son existence, les
merveilles de la création et l'harmonie universelle. Alors malheur à lui !
c'est un ange déchu. Au lieu d'avancer dans les mondes heureux, il est même
exilé de la planète qu'il habite pour aller expier dans les mondes inférieurs
sa rébellion incessante contre Dieu.
Gardez-vous, frères, de les imiter : ce sont les
anges pervers ; faites tous vos efforts pour ne pas en augmenter le
nombre ; que le flambeau de la foi spirite vous éclaire sur vos devoirs
présents et sur vos intérêts futurs, afin que vous puissiez un jour éviter le
sort des Esprits rebelles, et gravir l'échelle spirituelle qui mène à la
perfection.
Vos Guides Spirituels.
(La Haye (Hollande). — Médium, M. le baron de Kock.)
Sur cet article je n'ai que très peu de mots à dire,
sinon qu'il est sublime de vérité ; il n'y a rien à ajouter, rien à
retrancher ; bienheureux ceux qui ajouteront foi à ces belles paroles,
ceux qui accepteront cette doctrine écrite par Kardec. Kardec est l'homme élu
de Dieu pour l'instruction de l'homme d'à présent ; ce sont des paroles
inspirées par des Esprits du bien, des Esprits très supérieurs. Ajoutez-y
foi ; lisez, étudiez toute cette doctrine : c'est un bon conseil que
je vous donne.
Votre Guide Protecteur.
(Sens. — Médium, M. Pichon.)
Dem. Que devons-nous penser de l'interprétation de la
doctrine des anges déchus que M. Kardec a publiée dans le dernier numéro de la
Revue spirite ? — Rép. Qu'elle est parfaitement rationnelle et que nous ne
l'aurions pas mieux expliquée nous-mêmes.
Arago.
(Paris. Communication particulière. — Médium, mademoiselle Stéphanie.)
C'est bien défini, mais, il faut être franc, je ne
trouve qu'une chose qui me contrarie : pourquoi parler de ce dogme de l'Immaculée
Conception ? Avez-vous eu des révélations concernant la Mère du
Christ ? Laissez ces discussions à l'Église catholique. Je regrette
d'autant plus cette comparaison, que les prêtres croiront et diront que vous
voulez leur faire la cour.
Un Esprit ami sincère du médium et du directeur de la
Revue Spirite.
(Lyon. — Médium, madame Bouillant.)
Autrefois nous croyions que les anges, après avoir
habité le monde le plus radieux, s'étaient révoltés contre Dieu, et avaient
mérité d'être chassés de l'Eden que Dieu leur avait donné comme demeure. Nous
avons chanté leur chute et leur faiblesse, et, croyant à cette fable du Paradis
perdu, nous l'avons brodée de toutes les fleurs de rhétorique que nous
connaissions. C'était pour nous un thème qui nous offrait un charme
particulier. Ce premier homme et cette première femme chassés de leur oasis,
condamnés à vivre sur terre, en proie à tous les maux qui viennent assiéger
l'humanité, c'était pour l'auteur une grande ressource pour étendre ses idées,
et le sujet surtout se prêtait parfaitement à nos idées mélancoliques ;
comme les autres, nous avons accrédité l'erreur, et nous avons ajouté notre
parole à toutes celles qui avaient déjà été prononcées. Mais à présent que
notre existence dans l'espace nous a permis de juger les choses à leur
véritable point de vue ; à présent que nous pouvons comprendre combien il
était absurde d'admettre que l'Esprit, arrivé à son plus grand degré de pureté,
pouvait rétrograder tout à coup, se révolter contre son Créateur et entrer en
lutte avec lui ; à présent que nous pouvons juger par combien de creusets
il faut que la liqueur se filtre pour arriver à s'épurer au point de devenir
essence et quintessence, nous sommes en état de vous dire ce que sont les anges
déchus, et ce que vous devez croire du Paradis perdu.
Dieu, dans son immuable loi du progrès, veut que les
hommes avancent, et avancent sans cesse, de siècle en siècle, à des époques
déterminées par lui. Quand la majorité des êtres qui habitent la terre est
devenue trop supérieure pour la partie terrestre qu'elle occupe, Dieu ordonne
alors une émigration d'Esprits, et ceux qui ont accompli leur mission avec
conscience vont habiter des régions qui leur sont assignées ; mais
l'Esprit récalcitrant ou paresseux qui vient faire ombre au tableau, celui-là
est obligé de rester en arrière, et dans cette épuration de l'Esprit il est
rejeté comme font les chimistes des matières qui n'ont pas passé par la
filtration ; alors l'Esprit se trouve en contact avec d'autres Esprits qui
lui sont inférieurs, et il souffre réellement de la contrainte qui lui est
imposée.
Il se souvient intuitivement du bonheur dont il
jouissait, et se trouve au milieu de ses égaux comme une fleur exotique qui
serait brusquement transplantée dans un champ inculte. Cet Esprit se révolte en
comprenant sa supériorité ; il cherche à dominer ceux qui l'entourent, et
cette révolte, cette lutte contre lui-même, tourne aussi vers le Créateur qui
lui a donné l'existence, et qu'il méconnaît. Si ses pensées peuvent se
développer, il répandra le trop-plein de son cœur en récriminations amères
comme le condamné dans sa prison, et il souffrira cruellement jusqu'à ce qu'il
ait expié la paresse et l'égoïsme qui l'ont empêché de suivre ses frères.
Voilà, mes amis, quels sont les anges déchus et pourquoi ils regrettent tous
leur paradis. Tâchez donc, à votre tour, de vous hâter pour ne pas être
abandonnés quand sonnera le signal du retour ; rappelez-vous tout ce que
vous vous devez à vous-mêmes ; dites-vous bien que vous êtes vous, et que
vous avez votre libre arbitre. Cette personnalité de l'Esprit vous explique
pourquoi le fils d'un homme savant est souvent un idiot, et pourquoi
l'intelligence ne peut pas se transformer en majorat. Un grand homme pourra
bien donner à sa progéniture le galbe de sa figure, mais il ne lui transmettra
jamais son génie, et vous pouvez être certains que tous les génies qui sont
venus déployer leurs talents parmi vous étaient bien les enfants de leurs
œuvres, car, ainsi que l'a dit un homme très savant : « C'est que les
mères des Patay, des Letronne et du vaste Arago ont créé ces grands hommes très
innocemment. » Non, mon ami, la mère qui donne naissance à un talent
illustre n'est pour rien dans l'Esprit qui anime son enfant : cet Esprit
était déjà très avancé quand il est venu se réincarner dans le creuset de
l'épuration. Gravissez donc ces degrés de l'échelle ; degrés lumineux et
brillants comme des soleils, puisque Dieu les éclaire de sa splendide
lumière ; et rappelez-vous que maintenant que vous connaissez la route,
vous seriez bien coupables si vous deveniez des anges déchus ; du reste,
je ne crois pas que personne oserait vous plaindre et vous chanter encore le
Paradis perdu.
Milton.
(Francfort. — Médium, madame Delton.)
Je ne dirai rien autre sur cette interprétation des
anges rebelles et des anges déchus, sinon qu'elle fait partie des enseignements
qui doivent vous être donnés afin d'assigner aux choses mal comprises leur
véritable sens. Ne croyez pas que l'auteur de cet article l'ait écrit sans
assistance, comme il se l'est figuré lui-même ; il a cru émettre ses
propres idées et c'est pour cela qu'il s'en est défié, tandis qu'en réalité il
n'a fait que donner une forme à celles qui lui étaient inspirées.
Oui, il est dans le vrai quand il dit que les anges
rebelles sont encore sur la terre, et que ce sont les matérialistes et les
impies, ceux qui osent nier la puissance de Dieu ; n'est-ce pas là le
comble de l'orgueil ? Vous tous qui croyez en Dieu et chantez ses
louanges, vous vous indignez d'une telle audace de la créature, et vous avez
raison ; mais sondez votre conscience, et voyez si vous n'êtes pas
vous-mêmes à chaque instant en révolte contre lui par l'oubli de ses plus
saintes lois. Pratiquez-vous l'humilité, vous qui croyez à la supériorité de
votre mérite ; qui vous glorifiez des dons que vous avez reçus ; qui
voyez avec envie et jalousie le rang de votre voisin, les faveurs qui lui
échoient, l'autorité qui lui est concédée ? Pratiquez-vous la charité,
vous qui dénigrez votre frère ; qui répandez sur lui la médisance et la
calomnie ; qui au lieu de jeter un voile sur ses défauts prenez plaisir à
les étaler au grand jour afin de le rabaisser ? Vous qui croyez en Dieu,
vous surtout, Spirites, et qui agissez ainsi, je vous le dis en vérité, vous
êtes plus coupables que l'athée et le matérialiste, car vous avez la lumière et
vous ne voyez pas. Oui, vous êtes aussi des anges rebelles, car vous n'obéissez
pas à la loi de Dieu, et au grand jour Dieu vous dira :
« Qu'avez-vous fait de mes enseignements ? »
Paul, Esprit protecteur.