La raison et le surnaturel. (Société Spirite de Paris. ‑ Méd., M. A. Didier.)L'homme est borné dans son intelligence et dans ses sensations. Il ne
peut comprendre au-delà de certaines limites, et il prononce alors ce
mot sacramentel et qui met fin à tout : Surnaturel.
Le mot
surnaturel, dans la science nouvelle que vous étudiez, est un mot de
convention ; il existe pour ne rien exprimer. En effet, que veut dire ce
mot ? Hors de la nature ; au-delà de ce qui nous est connu. Quoi de
plus insensé, de plus absurde que d'appliquer ce mot à tout ce qui est
en dehors de nous ! Pour l'homme qui pense, le mot surnaturel n'est pas
définitif ; il est vague, il fait pressentir. On connaît la phrase
banale de l'incrédule par ignorance : « C'est surnaturel. Or, la raison,
etc., etc. » Hélas ! lorsque la nature s'élargissant et agissant en
reine, nous montre des trésors méconnus, la raison devient donc en ce
sens déraisonnable et absurde, puisqu'elle persiste malgré les faits.
Or, s'il y a fait, c'est que la nature le permet. La nature a pour nous
quelques manifestations sublimes, sans doute, mais qui sont très
restreintes, si l'on entre dans le domaine de l'inconnu. Ah ! vous
voulez fouiller la nature ; vous voulez connaître la cause des choses,
causa rerum, et vous croyez qu'il ne faut pas mettre votre raison banale
de côté ? Mais vous plaisantez, messieurs. Qu'est-ce que la raison
humaine, sinon la manière de penser de votre monde ? Vous courez de
planète en planète, et croyez que la raison doit vous y accompagner ?
Non, messieurs ; la seule raison que vous devez avoir au milieu de tous
ces phénomènes, c'est le sang-froid et l'observation à ce point de vue,
et non au point de vue de l'incrédulité.
Nous avons
dernièrement touché à des questions bien graves, vous vous le rappelez ;
mais, au milieu de ce que nous disions, nous n'avons pas conclu que
tout mal vient des hommes ; après bien des luttes, après bien des
discussions, viennent aussi les bonnes pensées, une foi nouvelle et des
espérances nouvelles. Le Spiritisme, comme je vous l'ai dit
dernièrement, est la lumière qui doit éclairer désormais toute
intelligence qui tend au progrès. La prière sera le seul dogme et la
seule pratique du Spiritisme, c'est-à-dire l'harmonie et la simplicité ;
l'art sera nouveau, parce qu'il sera fécondé par des idées nouvelles.
Songez que toute œuvre inspirée par une idée philosophique religieuse
est toujours une manifestation puissante et saine ; le Christ sera
toujours l'humanité, mais ce ne sera plus l'humanité souffrante : ce
sera l'humanité triomphante.
Lamennais.
Allan Kardec.