1° Considérations générales.
L'homme, ou Esprit incarné, peut être sur votre terre : en mission, ‑ en progression, ‑ en punition.
Ceci posé, il faut que vous sachiez, une fois pour toutes, que l'état
de mission, progression ou punition doit, sous peine de recommencer son
épreuve, arriver au terme fixé par les décrets de la justice suprême.
Avancer par soi-même ou par provocation l'instant fixé par Dieu pour
la rentrée dans le monde des Esprits, est donc un crime énorme ; le duel
est un crime plus grand encore ; car non-seulement c'est un suicide,
mais de plus un assassinat raisonné.
En effet, croyez-vous que
le provoqué et le provocateur ne se suicident pas moralement en
s'exposant volontairement aux coups mortels de l'adversaire ?
Croyez-vous que tous deux ne sont pas des assassins du moment qu'ils
cherchent mutuellement à s'ôter l'existence choisie par eux ou imposée
par Dieu en expiation ou comme épreuve ?
Oui, je te le dis, mon
ami, deux fois criminels aux yeux de Dieu sont les duellistes ; deux
fois terrible sera leur punition ; car nulle excuse ne sera admise,
tout, par eux, étant froidement calculé et prémédité.
Je lis dans ton cœur, mon enfant, car toi aussi as été un pauvre égaré, et voici ma réponse.
Pour ne pas succomber à cette terrible tentation, il ne vous faut
qu'humilité, sincérité et charité pour votre frère en Dieu ; vous ne
succombez, au contraire, que par orgueil et ostentation !
2° Conséquences spirituelles.
Celui qui, par humilité, aura, comme le Christ, supporté le dernier
outrage et pardonné de cœur et pour l'amour de Dieu, aura, outre les
récompenses célestes de l'autre vie, la paix du cœur en celle-ci et une
joie incompréhensible d'avoir respecté deux fois l'œuvre de Dieu.
Celui qui, par charité pour son prochain, lui aura prouvé son amour
fraternel, aura dans l'autre vie la protection sainte et le concours
tout-puissant de la glorieuse mère du Christ, car elle aime et bénit
ceux qui exécutent les commandements de Dieu, ceux qui suivent et
pratiquent les enseignements de son Fils.
Celui qui, malgré
tous les outrages, aura respecté l'existence de son frère et la sienne,
trouvera, à son entrée dans le monde éthéré, des millions de légions de
bons et purs Esprits qui viendront, non l'honorer pour son action, mais
lui prouver, par leur empressement à venir lui faciliter ses premiers
pas dans sa nouvelle existence, quelle sympathie il a su s'attirer et
quels véritables amis il s'est fait parmi eux, ses frères. Tous ensemble
élèveront vers Dieu de sincères actions de grâces pour sa miséricorde
qui a permis à leur frère de résister à la tentation.
Celui-là,
dis-je, qui aura résisté à ces tristes tentations, peut, non pas
espérer le changement des décrets de Dieu, lesquels sont immuables, mais
compter sur la bienveillance sincère et affectueuse de l'Esprit de
vérité, le Fils de Dieu, lequel saura d'une manière incomparable inonder
son âme du bonheur de comprendre l'Esprit de justice parfaite et de
bonté infinie, et, par suite, le sauvegarder de toute nouvelle embûche
semblable.
Ceux au contraire qui, provoqués ou provocateurs,
auront succombé, peuvent être certains qu'ils éprouveront les plus
grandes tortures morales par la présence continuelle du cadavre de leur
victime et du leur propre ; ils seront rongés pendant des siècles, par
le remords d'avoir désobéi aussi gravement aux volontés célestes, et
seront poursuivis, jusqu'au jour de l'expiation, par le spectre horrible
des deux hideuses vues de leurs deux cadavres sanglants.
Heureux encore s'ils allègent eux-mêmes ces souffrances par un repentir
sincère et profond leur ouvrant les yeux de l'âme, car alors, au moins,
ils entreverront une fin à leurs peines, comprendront Dieu et lui
demanderont la force de ne plus provoquer sa justice terrible.
3° Conséquences humaines.
Les mots de devoir, honneur, cœur, sont souvent mis en avant par les hommes pour justifier leurs actions, leurs crimes.
Comprennent-ils toujours ces mots ? Ne sont-ils pas le résumé des
intentions du Christ ? Pourquoi donc en tronquer le sens ? Pourquoi donc
retourner au barbarisme ?
Malheureusement, la généralité des
hommes est encore sous l'influence de l'orgueil et de l'ostentation ;
pour s'excuser à leurs propres yeux, ils font sonner bien haut ces mots
de devoir, honneur et cœur, et ne se doutent pas qu'ils signifient :
exécution des commandements de Dieu, sagesse, charité et amour. Avec ces
mots, pourtant, ils égorgent leurs frères ; avec ces mots, ils se
suicident ; avec ces mots, ils se perdent.
Aveugles qu'ils sont
! ils croient être forts parce qu'ils auront entraîné un malheureux
plus faible qu'eux. Aveugles ils sont, lorsqu'ils croient que
l'approbation de leur conduite par des aveugles et méchants comme eux
leur donnera la considération humaine ! la société même au milieu de
laquelle ils vivent les réprouve et les maudira bientôt, car le règne de
la fraternité arrive. En attendant, ils sont fuis par les hommes sages,
comme des bêtes fauves.
Examinons quelques cas, et nous verrons si le raisonnement justifie leur interprétation des mots de devoir, honneur et cœur.
Un homme a le cœur percé de douleur et l'âme pleine d'amertume, car il
a surpris les preuves irréfutables de l'inconduite de sa femme ; il
provoque l'un des séducteurs de cette pauvre et malheureuse créature.
Cette provocation sera-t-elle le résultat de ses devoirs, de son honneur
et de son cœur ? Non ; car son honneur ne lui sera pas rendu, car son
honneur personnel n'a pas été et ne peut être atteint ; mais ce sera de
la vengeance.
Mieux encore ; pour prouver que son prétendu
honneur n'est pas en jeu, c'est que très souvent son malheur est même
ignoré et resterait ignoré, s'il n'était publié par les mille voix
provoquées par le scandale occasionné par sa vengeance.
Enfin,
si son malheur était connu, il serait plaint sincèrement par tous les
hommes sensés, en retirerait des preuves nombreuses de véritable
sympathie, et il n'y aurait contre lui que les rieurs au cœur méchant et
endurci, mais méprisables.
Dans l'un et l'autre cas, son honneur ne serait ni rendu ni retiré.
L'orgueil seul est donc le guide de presque tous les duels, et non l'honneur.
Croyez-vous que le duelliste, pour un mot, la fausse interprétation
d'une phrase, le frottement insensible et involontaire d'un bras en
passant, pour un oui ou un non enfin, et même quelquefois pour un regard
qui ne lui était pas adressé, soit poussé par un sentiment d'honneur à
demander une prétendue réparation par l'assassinat et le suicide ? Oh !
n'en doutez pas, l'orgueil et la certitude de sa force sont ses seuls
mobiles, souvent aidés de l'ostentation ; car il veut parader, faire
preuve de courage, de savoir et quelquefois de générosité : Ostentation !
! !
Ostentation, je le répète, car ses connaissances en
duellisme sont les seules vraies ; son courage et sa générosité, des
mensonges.
Voulez-vous le mettre à l'épreuve réelle, ce
spadassin courageux ? mettez-le en face d'un rival ayant une réputation
infernale au-dessus de la sienne, et pourtant peut-être d'un savoir
inférieur au sien, il pâlira et fera tout pour éviter le combat ;
mettez-le en face d'un être plus faible que lui, ignorant cette science
doublement mortelle, vous le verrez impitoyable, hautain et arrogant,
même lorsqu'il est contraint d'avoir pitié. – Est-ce du courage ?
La générosité ! oh ! parlons-en. – Est-il généreux, l'homme confiant
en sa force, qui, après avoir provoqué la faiblesse, lui octroie la
continuation d'une existence bafouée et donnée en ridicule ? Est-il
généreux, celui qui, pour l'obtention d'une chose désirée et convoitée,
provoque son faible possesseur pour l'obtenir ensuite en récompense de
sa générosité ? Est-il généreux, celui qui, usant de ses talents
criminels, épargne la vie d'êtres faibles qu'il a injuriés ? Est-il
généreux encore, lorsqu'il donne une semblable preuve de générosité au
mari ou au frère qu'il a indignement outragé, et qu'il expose alors par
le désespoir à un second suicide ?
Oh ! croyez-moi tous, mes
amis, le duel est une affreuse et horrible invention des Esprits
méchants et pervers, invention digne de l'état de barbarie et qui
afflige le plus notre père, le Dieu si bon.
A vous, Spirites,
de combattre et de détruire cette triste habitude, ce crime digne des
anges des ténèbres ; à vous, Spirites, de donner le noble exemple du
renoncement quand même et malgré tout à ce funeste mal ; à vous,
Spirites sincères, de faire comprendre le sublime de ces mots : devoir,
honneur et cœur, et Dieu parlera par vos voix ; à vous enfin le bonheur
de semer parmi vos frères les graines si précieuses et ignorées par
nous, pendant notre existence sur la terre, du Spiritisme.
Ton père, Antoine.
Remarque.
‑ Les duels deviennent de plus en rares, ‑ en France du moins, ‑ et si
l'on en voit encore de temps en temps de douloureux exemples, le nombre
n'en est pas comparable à ce qu'il était autrefois. Jadis un homme ne
sortait pas de chez lui sans prévoir une rencontre, aussi prenait-il
toujours ses précautions en conséquence. Un signe caractéristique des
mœurs du temps et des peuples est dans l'usage du port habituel,
ostensible ou caché, des armes offensives et défensives ; l'abolition de
cet usage témoigne de l'adoucissement des mœurs, et il est curieux d'en
suivre la gradation depuis l'époque, où les chevaliers ne chevauchaient
jamais que bardés de fer et armés de la lance, jusqu'au port de la
simple épée, devenue plutôt une parure et un accessoire du blason,
qu'une arme agressive. Un autre trait de mœurs, c'est que jadis les
combats singuliers avaient lieu en pleine rue, devant la foule qui
s'écartait pour laisser le champ libre, et qu'aujourd'hui on se cache ;
aujourd'hui la mort d'un homme est un événement, on s'en émeut ; jadis
on n'y faisait pas attention. Le Spiritisme emportera ces derniers
vestiges de la barbarie, en inculquant aux hommes l'esprit de charité et
de fraternité.