REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1862

Allan Kardec

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Dissertations spirites

Le Duel.

(Bordeaux, 21 novembre 1861. ‑ Médium, M. Guipon.)

1° Considérations générales.

L'homme, ou Esprit incarné, peut être sur votre terre : en mission, ‑ en progression, ‑ en punition.

Ceci posé, il faut que vous sachiez, une fois pour toutes, que l'état de mission, progression ou punition doit, sous peine de recommencer son épreuve, arriver au terme fixé par les décrets de la justice suprême.

Avancer par soi-même ou par provocation l'instant fixé par Dieu pour la rentrée dans le monde des Esprits, est donc un crime énorme ; le duel est un crime plus grand encore ; car non-seulement c'est un suicide, mais de plus un assassinat raisonné.

En effet, croyez-vous que le provoqué et le provocateur ne se suicident pas moralement en s'exposant volontairement aux coups mortels de l'adversaire ? Croyez-vous que tous deux ne sont pas des assassins du moment qu'ils cherchent mutuellement à s'ôter l'existence choisie par eux ou imposée par Dieu en expiation ou comme épreuve ?

Oui, je te le dis, mon ami, deux fois criminels aux yeux de Dieu sont les duellistes ; deux fois terrible sera leur punition ; car nulle excuse ne sera admise, tout, par eux, étant froidement calculé et prémédité.

Je lis dans ton cœur, mon enfant, car toi aussi as été un pauvre égaré, et voici ma réponse.

Pour ne pas succomber à cette terrible tentation, il ne vous faut qu'humilité, sincérité et charité pour votre frère en Dieu ; vous ne succombez, au contraire, que par orgueil et ostentation !

2° Conséquences spirituelles.

Celui qui, par humilité, aura, comme le Christ, supporté le dernier outrage et pardonné de cœur et pour l'amour de Dieu, aura, outre les récompenses célestes de l'autre vie, la paix du cœur en celle-ci et une joie incompréhensible d'avoir respecté deux fois l'œuvre de Dieu.

Celui qui, par charité pour son prochain, lui aura prouvé son amour fraternel, aura dans l'autre vie la protection sainte et le concours tout-puissant de la glorieuse mère du Christ, car elle aime et bénit ceux qui exécutent les commandements de Dieu, ceux qui suivent et pratiquent les enseignements de son Fils.

Celui qui, malgré tous les outrages, aura respecté l'existence de son frère et la sienne, trouvera, à son entrée dans le monde éthéré, des millions de légions de bons et purs Esprits qui viendront, non l'honorer pour son action, mais lui prouver, par leur empressement à venir lui faciliter ses premiers pas dans sa nouvelle existence, quelle sympathie il a su s'attirer et quels véritables amis il s'est fait parmi eux, ses frères. Tous ensemble élèveront vers Dieu de sincères actions de grâces pour sa miséricorde qui a permis à leur frère de résister à la tentation.

Celui-là, dis-je, qui aura résisté à ces tristes tentations, peut, non pas espérer le changement des décrets de Dieu, lesquels sont immuables, mais compter sur la bienveillance sincère et affectueuse de l'Esprit de vérité, le Fils de Dieu, lequel saura d'une manière incomparable inonder son âme du bonheur de comprendre l'Esprit de justice parfaite et de bonté infinie, et, par suite, le sauvegarder de toute nouvelle embûche semblable.

Ceux au contraire qui, provoqués ou provocateurs, auront succombé, peuvent être certains qu'ils éprouveront les plus grandes tortures morales par la présence continuelle du cadavre de leur victime et du leur propre ; ils seront rongés pendant des siècles, par le remords d'avoir désobéi aussi gravement aux volontés célestes, et seront poursuivis, jusqu'au jour de l'expiation, par le spectre horrible des deux hideuses vues de leurs deux cadavres sanglants.

Heureux encore s'ils allègent eux-mêmes ces souffrances par un repentir sincère et profond leur ouvrant les yeux de l'âme, car alors, au moins, ils entreverront une fin à leurs peines, comprendront Dieu et lui demanderont la force de ne plus provoquer sa justice terrible.

3° Conséquences humaines.

Les mots de devoir, honneur, cœur, sont souvent mis en avant par les hommes pour justifier leurs actions, leurs crimes.

Comprennent-ils toujours ces mots ? Ne sont-ils pas le résumé des intentions du Christ ? Pourquoi donc en tronquer le sens ? Pourquoi donc retourner au barbarisme ?

Malheureusement, la généralité des hommes est encore sous l'influence de l'orgueil et de l'ostentation ; pour s'excuser à leurs propres yeux, ils font sonner bien haut ces mots de devoir, honneur et cœur, et ne se doutent pas qu'ils signifient : exécution des commandements de Dieu, sagesse, charité et amour. Avec ces mots, pourtant, ils égorgent leurs frères ; avec ces mots, ils se suicident ; avec ces mots, ils se perdent.

Aveugles qu'ils sont ! ils croient être forts parce qu'ils auront entraîné un malheureux plus faible qu'eux. Aveugles ils sont, lorsqu'ils croient que l'approbation de leur conduite par des aveugles et méchants comme eux leur donnera la considération humaine ! la société même au milieu de laquelle ils vivent les réprouve et les maudira bientôt, car le règne de la fraternité arrive. En attendant, ils sont fuis par les hommes sages, comme des bêtes fauves.

Examinons quelques cas, et nous verrons si le raisonnement justifie leur interprétation des mots de devoir, honneur et cœur.

Un homme a le cœur percé de douleur et l'âme pleine d'amertume, car il a surpris les preuves irréfutables de l'inconduite de sa femme ; il provoque l'un des séducteurs de cette pauvre et malheureuse créature. Cette provocation sera-t-elle le résultat de ses devoirs, de son honneur et de son cœur ? Non ; car son honneur ne lui sera pas rendu, car son honneur personnel n'a pas été et ne peut être atteint ; mais ce sera de la vengeance.

Mieux encore ; pour prouver que son prétendu honneur n'est pas en jeu, c'est que très souvent son malheur est même ignoré et resterait ignoré, s'il n'était publié par les mille voix provoquées par le scandale occasionné par sa vengeance.

Enfin, si son malheur était connu, il serait plaint sincèrement par tous les hommes sensés, en retirerait des preuves nombreuses de véritable sympathie, et il n'y aurait contre lui que les rieurs au cœur méchant et endurci, mais méprisables.

Dans l'un et l'autre cas, son honneur ne serait ni rendu ni retiré.

L'orgueil seul est donc le guide de presque tous les duels, et non l'honneur.

Croyez-vous que le duelliste, pour un mot, la fausse interprétation d'une phrase, le frottement insensible et involontaire d'un bras en passant, pour un oui ou un non enfin, et même quelquefois pour un regard qui ne lui était pas adressé, soit poussé par un sentiment d'honneur à demander une prétendue réparation par l'assassinat et le suicide ? Oh ! n'en doutez pas, l'orgueil et la certitude de sa force sont ses seuls mobiles, souvent aidés de l'ostentation ; car il veut parader, faire preuve de courage, de savoir et quelquefois de générosité : Ostentation ! ! !

Ostentation, je le répète, car ses connaissances en duellisme sont les seules vraies ; son courage et sa générosité, des mensonges.

Voulez-vous le mettre à l'épreuve réelle, ce spadassin courageux ? mettez-le en face d'un rival ayant une réputation infernale au-dessus de la sienne, et pourtant peut-être d'un savoir inférieur au sien, il pâlira et fera tout pour éviter le combat ; mettez-le en face d'un être plus faible que lui, ignorant cette science doublement mortelle, vous le verrez impitoyable, hautain et arrogant, même lorsqu'il est contraint d'avoir pitié. – Est-ce du courage ?

La générosité ! oh ! parlons-en. – Est-il généreux, l'homme confiant en sa force, qui, après avoir provoqué la faiblesse, lui octroie la continuation d'une existence bafouée et donnée en ridicule ? Est-il généreux, celui qui, pour l'obtention d'une chose désirée et convoitée, provoque son faible possesseur pour l'obtenir ensuite en récompense de sa générosité ? Est-il généreux, celui qui, usant de ses talents criminels, épargne la vie d'êtres faibles qu'il a injuriés ? Est-il généreux encore, lorsqu'il donne une semblable preuve de générosité au mari ou au frère qu'il a indignement outragé, et qu'il expose alors par le désespoir à un second suicide ?

Oh ! croyez-moi tous, mes amis, le duel est une affreuse et horrible invention des Esprits méchants et pervers, invention digne de l'état de barbarie et qui afflige le plus notre père, le Dieu si bon.

A vous, Spirites, de combattre et de détruire cette triste habitude, ce crime digne des anges des ténèbres ; à vous, Spirites, de donner le noble exemple du renoncement quand même et malgré tout à ce funeste mal ; à vous, Spirites sincères, de faire comprendre le sublime de ces mots : devoir, honneur et cœur, et Dieu parlera par vos voix ; à vous enfin le bonheur de semer parmi vos frères les graines si précieuses et ignorées par nous, pendant notre existence sur la terre, du Spiritisme.

Ton père, Antoine.



Remarque. ‑ Les duels deviennent de plus en rares, ‑ en France du moins, ‑ et si l'on en voit encore de temps en temps de douloureux exemples, le nombre n'en est pas comparable à ce qu'il était autrefois. Jadis un homme ne sortait pas de chez lui sans prévoir une rencontre, aussi prenait-il toujours ses précautions en conséquence. Un signe caractéristique des mœurs du temps et des peuples est dans l'usage du port habituel, ostensible ou caché, des armes offensives et défensives ; l'abolition de cet usage témoigne de l'adoucissement des mœurs, et il est curieux d'en suivre la gradation depuis l'époque, où les chevaliers ne chevauchaient jamais que bardés de fer et armés de la lance, jusqu'au port de la simple épée, devenue plutôt une parure et un accessoire du blason, qu'une arme agressive. Un autre trait de mœurs, c'est que jadis les combats singuliers avaient lieu en pleine rue, devant la foule qui s'écartait pour laisser le champ libre, et qu'aujourd'hui on se cache ; aujourd'hui la mort d'un homme est un événement, on s'en émeut ; jadis on n'y faisait pas attention. Le Spiritisme emportera ces derniers vestiges de la barbarie, en inculquant aux hommes l'esprit de charité et de fraternité.



Fondements de l'ordre social.

(Lyon, 16 septembre 1862. ‑ Médium, M. Émile V…)

Nota. ‑ Cette communication a été obtenue dans un groupe particulier, présidé par M. Allan Kardec.

Vous voilà réunis afin de voir le Spiritisme dans sa source, afin de regarder cette idée en face, et de goûter les longs flots d'amour qu'elle prodigue à ceux qui la connaissent.

Le Spiritisme, c'est le progrès moral ; c'est l'élévation de l'Esprit dans la voie qui mène à Dieu. Le progrès, c'est la fraternité à sa naissance, car la fraternité complète, telle que l'Esprit peut l'imaginer, c'est la perfection. La fraternité pure, c'est un parfum d'en haut, c'est une émanation de l'infini, un atome de l'intelligence céleste ; c'est la base de toutes les institutions morales, et le seul moyen d'élever un état social qui puisse subsister et produire des effets dignes de la grande cause pour laquelle vous combattez.

Soyez donc frères si vous voulez que le germe déposé parmi vous se développe et devienne l'arbre que vous cherchez. L'union, c'est la puissance souveraine qui descend sur la terre ; la fraternité, c'est la sympathie dans l'union ; c'est la poésie, le charme, l'idéal dans le positif.

Il faut être unis pour être forts, et il faut être forts pour fonder une institution qui ne repose que sur la vérité rendue si touchante et si admirable, si simple et si sublime. Des forces divisées s'anéantissent ; réunies, elles sont autant de fois plus fortes.

Et si on considère la progression morale de chaque homme, si on réfléchit à l'amour, à la charité qui coule de chaque cœur, la différence est bien plus grande. Sous l'influence sublime de ce souffle ineffable, les liens de famille sont resserrés, mais les liens sociaux, si vaguement définis, se dessinent, se rapprochent, et finissent par ne former qu'un seul faisceau de toutes ces pensées, de tous ces désirs, de tous ces buts de nature différente.

Sans la fraternité, que voyez-vous ? L'égoïsme, l'ambition. Chacun a son but ; chacun le poursuit de son côté, chacun marche à sa guise, et tous sont fatalement entraînés dans l'abîme où s'engloutissent, depuis tant de siècles, tous les efforts humains. Avec l'union, il n'y a plus qu'un seul but, parce qu'il n'y a plus qu'une seule pensée, un seul désir, un seul cœur. Unissez-vous donc, mes amis ; c'est ce que vous répète la voix incessante de notre monde ; unissez-vous, et vous arriverez bien plus vite à votre but.

C'est surtout dans cette réunion toute sympathique que vous devez prendre la résolution irrévocable d'être unis par une pensée commune à tous les Spirites de la terre pour offrir l'hommage de votre reconnaissance à celui qui vous a ouvert la voie du bien suprême, à celui qui a amené le bonheur sur vos têtes, la félicité dans vos cœurs et la foi dans vos esprits. Votre reconnaissance est sa récompense présente ; ne la lui refusez donc pas, et l'offrant d'une seule voix, vous donnerez le premier exemple de vraie fraternité.

Léon de Muriane, Esprit protecteur.



Remarque. ‑ Ce nom est complètement inconnu, même du médium. Cela prouve que pour être un Esprit élevé, il n'est pas besoin d'avoir son nom inscrit dans le calendrier ou dans les fastes de l'histoire, et que parmi ceux qui se communiquent, il en est beaucoup qui n'ont pas de nom connu.

Ci gît dix-huit siècles de lumières.

(Lyon, 16 septembre 1862. ‑ Médium, M. Émile V…)

M. Émile, qui a obtenu la communication ci-dessus et beaucoup d'autres non moins remarquables, est un tout jeune homme. Il n'est pas seulement un excellent médium écrivain, il est aussi médium peintre, quoiqu'il n'ait appris ni le dessin, ni la peinture ; il peint à l'huile des paysages et divers sujets pour lesquels il est conduit à choisir, à mélanger et à assortir les couleurs qui lui sont nécessaires. Au point de vue de l'art, ses tableaux ne sont certes pas irréprochables, quoique à certaines expositions on en voie qui ne valent pas beaucoup mieux ; ils manquent surtout de fini et de moelleux, les tons sont durs et trop accentués ; mais quand on songe aux conditions dans lesquelles ils sont faits, ils n'en sont pas moins très remarquables. Qui sait si, avec de l'exercice, il n'acquierra pas l'habileté qui lui manque et ne deviendra pas un peintre véritable, comme cet ouvrier bordelais, qui, sachant à peine signer son nom, a écrit comme médium, et a fini par avoir une jolie écriture pour son usage personnel, sans autre maître que les Esprits ?

Lorsque nous avons vu M. Émile V…, il était en train de finir un tableau allégorique, où l'on voit un cercueil sur lequel est écrit : Ci gît dix-huit siècles de lumière. Nous nous permîmes de critiquer cette inscription au point de vue grammatical, et nous ne comprîmes pas tout d'abord le sens de cette allégorie plaçant dix-huit siècles de lumières dans un cercueil, attendu, disions-nous, que l'humanité, grâce surtout au christianisme, est plus éclairée aujourd'hui qu'elle ne l'était jadis. C'était dans la séance du 16, dans laquelle il obtint la communication rapportée ci-dessus. L'Esprit répondit à nos observations, en ajoutant ce qui suit à cette communication.

« Ci gît est mis avec intention. Le sujet n'est pas exprimé par le nombre dix-huit représentant des siècles ; c'est un total de siècles, une idée collective, comme s'il y avait un laps de temps de dix-huit siècles. Vous pourrez dire à vos grammairiens de ne pas confondre une idée collective avec une idée de séparation. Ne disent-ils pas eux-mêmes de la foule, qui peut se composer d'un nombre incalculable de personnes, qu'elle peut se mouvoir ? C'est assez sur ce sujet ; cela doit être ainsi, parce que c'est l'idée même.

« Maintenant, abordons l'allégorie. Dix-huit siècles de lumières dans un cercueil ! Cette idée représente tous les efforts que la vérité a faits depuis ce temps ; efforts qui, toujours, ont été terrassés par l'esprit de parti, par l'égoïsme. Dix-huit siècles de lumières au grand jour, ce serait dix-huit siècles de bonheur pour l'humanité, dix-huit siècles qui ne font encore que germer sur la terre et qui auraient eu leur développement. Christ apportera la vérité sur la terre et la mit à la portée de tout le monde ; que devint-elle ? Les passions terrestres s'en emparèrent ; elle fut enfouie dans un cercueil, d'où le Spiritisme vient la sortir. Voilà l'allégorie.« Léon de Muriane. »


Rôle de la Société de Paris.

(Société de Paris, 24 octobre 1862. ‑ Médium, M. Leymarie.)

Paris est le pied à terre du monde ; chacun vient y chercher une impression, une idée.

Je me suis demandé bien souvent, lorsque j'étais parmi vous, pourquoi cette grande ville, rendez-vous du monde entier, n'avait pas une réunion spirite nombreuse, mais si nombreuse que les plus vastes amphithéâtres ne pourraient la contenir.

Parfois, j'ai pu penser que les Spirites parisiens s'adonnaient trop à leurs plaisirs ; j'ai cru même que la foi spirite était pour beaucoup un plaisir d'amateur, une récréation parmi toutes celles qui se présentent continuellement à Paris.

Mais loin de vous et pourtant si près de vous, je vois et comprends mieux. Paris est assis au bord de la Seine, mais Paris est partout, et tous les jours cette tête puissante remue le monde entier. Comme elle, la Société centrale spirite fait rejaillir sa pensée dans l'univers. Sa puissance ne réside pas dans le cercle où elle tient ses séances, mais bien dans tous les pays où l'on suit ses dissertations, partout où elle fait loi en fait d'enseignements intelligents ; c'est un soleil dont les rayons bienfaisants se répercutent à l'infini.

Par cela même, la Société ne peut être un groupe ordinaire ; ses vues sont prédestinées et son apostolat est plus grand. Elle ne peut se renfermer dans un petit espace ; il lui faut le monde, car elle est envahissante de sa nature ; et de fait, elle conquiert pacifiquement de grandes villes, demain des royaumes, bientôt le monde entier.

Lorsqu'un étranger vient vous faire une courtoise visite, recevez-le dignement, largement, pour qu'il emporte une grande idée du Spiritisme, cette arme puissante de civilisation qui doit aplanir tous les chemins, vaincre toutes les dissidences, même tous les doutes. Donnez largement, afin que chacun prenne cette nourriture de l'esprit qui transforme tout dans son passage mystérieux, car la croyance nouvelle est forte comme Dieu, grande comme lui, charitable comme tout ce qui émane de la puissance supérieure qui frappe pour consoler en donnant à l'humanité en travail : la prière et la douleur comme avancement.

Sois bénie, Société que j'aime, toi qui donnes toujours avec bienveillance ; toi qui remplis une tâche ardue sans regarder aux pierres qui barrent le passage. Tu as bien mérité de Dieu ; tu ne seras et ne peux être un centre ordinaire, mais bien, je le répète, la source bienfaisante où la souffrance viendra toujours trouver le baume réparateur.

Sanson,

Ancien membre de la Société de Paris.



De l'Origine du langage.

(Société Spirite de Paris. ‑ Médium, M. d'Ambel.)

Vous me demandez aujourd'hui, mes chers et bien-aimés auditeurs, de dicter à mon médium l'histoire de l'origine du langage ; je vais tâcher de vous satisfaire ; mais vous devez comprendre qu'il me sera impossible en quelques lignes de traiter entièrement cette grave question, à laquelle se rattache forcément celle plus importante encore de l'origine des races humaines.

Que Dieu tout-puissant, si bienveillant pour les Spirites, m'accorde la lucidité nécessaire pour élaguer de ma dissertation toute confusion, toute obscurité et surtout toute erreur !

J'entre en matière en vous disant : Admettons d'abord en principe cette éternelle vérité : c'est que le Créateur a donné à tous les êtres de la même race un mode spécial, mais assuré, pour s'entendre et se comprendre entre eux. Néanmoins, ce mode de communication, ce langage fut d'autant plus restreint que les espèces étaient plus inférieures. C'est en vertu de cette vérité, de cette loi que les sauvages et les peuplades peu civilisées ont des langues tellement pauvres qu'une foule de termes usités dans les contrées favorisées de la civilisation n'y rencontrent aucun mot correspondant ; et c'est pour obéir à cette même loi que ces nations qui progressent créent de nouvelles expressions pour de nouvelles découvertes, de nouveaux besoins.

Ainsi que je l'ai dit ailleurs : l'humanité a déjà traversé trois grandes périodes : la phase barbare, la phase hébraïque et païenne et la phase chrétienne. A cette dernière succédera la grande période spirite dont nous jetons à présent parmi vous les premières assises.

Examinons donc la première phase et les commencements de la seconde, et je ne puis que répéter ici ce que j'ai déjà dit. La première phase humaine, qu'on peut appeler anté-hébraïque ou barbare, se traîna lentement et longuement dans toutes les horreurs et les convulsions d'une affreuse barbarie. L'homme y est poilu comme la bête fauve, et, comme la bête fauve, il se tapit dans les cavernes et dans les bois. Il vit de viande crue et se repaît de son semblable comme d'un excellent gibier. C'est le règne de l'anthropophagie la plus absolue. Pas de société ! point de famille ! Quelques groupes dispersés çà et là, vivant pêle-mêle dans une promiscuité complète et toujours prêts à s'entre-dévorer : tel est le tableau de cette cruelle période. Nul culte, nulle tradition, nulle idée religieuse ! Rien que les besoins animaux à satisfaire, et puis c'est tout ! L'âme, prisonnière dans une matière stupéfiante, reste morne et latente dans sa prison charnelle ; elle ne peut rien contre les parois grossières qui la renferment, et son intelligence peut à peine se mouvoir dans les casiers d'un cerveau rétréci. L'œil est terne, la paupière lourde, la lèvre épaisse, le crâne aplati, et quelques sons gutturaux suffisent au langage ; rien ne fait présager que de cette bête brute sortira le père des races hébraïques et païennes. Cependant, à la longue, ils sentent le besoin de se soutenir contre les autres carnassiers, contre le lion et le tigre, dont les crocs redoutables et les griffes acérées avaient facilement raison des hommes isolés : c'est ainsi que s'accomplit le premier progrès social. Néanmoins, le règne de la matière et de la force brutale se maintint pendant toute cette phase cruelle. Ne cherchez donc dans l'homme de cette époque ni sentiment, ni raison, ni langage proprement dit ; il n'obéit qu'à sa grossière sensation et n'a qu'un but : boire, manger et dormir ; hors de là, rien ! On peut dire que l'homme intelligent y est en germe, mais qu'il n'existe pas encore. Cependant, il est nécessaire de constater que déjà, parmi ces races brutales, apparaissent quelques êtres supérieurs, Esprits incarnés, chargés de conduire l'humanité vers son but et de hâter l'avènement de l'ère hébraïque et païenne. Je dois ajouter qu'en dehors de ces Esprits incarnés, le globe terrestre était fréquemment visité par ces ministres de Dieu dont la tradition a consacré la mémoire sous les noms d'anges et d'archanges, et que ceux-ci se mettaient presque journellement en rapport avec les êtres supérieurs, Esprits incarnés, dont je viens de parler. La mission de quelques-uns de ces anges s'est continuée pendant une grande partie de la seconde phase humanitaire. Je dois ajouter que le tableau rapide que je viens de faire des premiers temps de l'humanité vous enseigne, à peu de chose près, à quelles lois rigoureuses sont soumis les Esprits qui s'essayent à la vie dans les planètes de formation récente.

Le langage proprement dit, comme la vie sociale, ne commence à avoir un caractère certain qu'à partir de l'ère hébraïque et païenne, pendant laquelle l'Esprit incarné, toujours asservi à la matière, commence cependant à se révolter et à briser quelques anneaux de sa lourde chaîne. L'âme fermente et s'agite dans sa prison charnelle ; par ses efforts réitérés elle réagit énergiquement contre les parois du cerveau, dont elle sensibilise la matière ; elle améliore et perfectionne par un travail constant le jeu de ses facultés dont, conséquemment, les organes physiques se développent ; enfin, la pensée se laisse lire dans un regard limpide et clair. Nous sommes déjà loin des fronts aplatis ! C'est que l'âme se sent, elle se reconnaît, elle a la conscience d'elle-même, et elle commence à comprendre qu'elle est indépendante du corps. Aussi, dès ce moment, elle lutte avec ardeur pour se débarrasser des étreintes de sa robuste rivale. L'homme se modifie de plus en plus et l'intelligence se meut plus librement dans un cerveau plus développé. Constatons toutefois que cette époque voit encore l'homme parqué et immatriculé comme le bétail, l'homme esclave de l'homme ; l'esclavage est consacré par le Dieu des Hébreux autant que par les dieux païens, et Jéhovah, tout comme Jupiter Olympien, demande du sang et des victimes vivantes.

Cette deuxième phase offre des aspects curieux au point de vue philosophique ; j'en ai déjà tracé un tableau rapide que mon médium vous communiquera prochainement. Quoi qu'il en soit, et pour en revenir au sujet de cette étude, tenez pour certain que ce ne fut qu'à l'époque des grandes périodes pastorales et patriarchales que le langage humain prit une allure régulière, et adopta des formes et des sons spéciaux. Lors de cette époque primitive où l'humanité se débarrassa des langes du berceau en même temps que du bégaiement du premier âge, peu de mots suffirent aux hommes pour qui la science n'était pas née, dont les besoins étaient très restreints, et dont les relations sociales s'arrêtaient aux portes de la tente, au seuil de la famille, et plus tard aux confins de la tribu. C'est l'époque où le père, le pasteur, l'ancien, le patriarche, en un mot, dominait en maître absolu avec droit de vie et de mort.

La langue primitive fut uniforme ; mais à mesure que le nombre des pasteurs s'accrut, ceux-ci, quittant à leur tour la tente paternelle, s'en allèrent fonder dans des contrées inhabitées de nouvelles familles, de nouvelles tribus. Alors la langue usitée parmi eux s'éloigna degré par degré, suivant les générations, de la langue en usage sous la tente paternelle qu'ils avaient quittée jadis ; et c'est ainsi que les idiomes divers furent créés. Du reste, quoique mon intention ne soit pas de faire un cours de linguistique, vous n'êtes pas sans avoir remarqué que, dans les langues les plus disparates, vous retrouvez des mots dont le radical a peu varié et dont la signification est presque la même. D'un autre côté, bien que vous ayez aujourd'hui la prétention d'être un vieux monde, la même raison qui fit corrompre la langue primitive règne encore en souveraine dans votre France si orgueilleuse de sa civilisation, où vous voyez les consonances, les termes et la signification varier, je ne dirai pas de province à province, mais de commune à commune. J'en appelle à ceux qui ont voyagé en Bretagne, comme à ceux qui ont parcouru la Provence et le Languedoc. C'est une variété d'idiomes et de dialectes à effrayer celui qui voudrait les colliger en un seul dictionnaire.

Une fois que les hommes primitifs, aidés en cela par les missionnaires de l'Eternel, eurent affecté à certains sons spéciaux certaines idées spéciales, la langue parlée se trouva créée, et les modifications qu'elle subit plus tard furent toujours en raison des progrès humains ; par conséquent, suivant la richesse d'une langue, on peut facilement établir le degré de civilisation auquel est arrivé le peuple qui la parle. Ce que je peux ajouter, c'est que l'humanité marche à une langue unique, conséquence forcée d'une communauté d'idées en morale, en politique, et surtout en religion. Telle sera l'œuvre de la philosophie nouvelle, le Spiritisme, que nous vous enseignons aujourd'hui.

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