Un ouvrier de Marseille
Dans un groupe spirite de Marseille, Mad. T…, l'un des médiums, écrivit spontanément la communication suivante :
Écoutez un malheureux qui a été arraché violemment du milieu de sa
famille, et qui ne sait où il est… Au milieu des ténèbres où je me
trouve, j'ai pu suivre un rayon lumineux d'un Esprit, à ce que l'on me
dit ; mais je ne crois pas aux Esprits. Je sais bien que c'est une fable
inventée pour les têtes fêlées et crédules… Pour ma part, je n'y
comprends plus rien… Je me vois double ; un corps mutilé gît à côté de
moi, et cependant je suis vivant… Je vois les miens qui désolent, sans
compter mes compagnons d'infortune qui ne voient pas si clair que moi ;
aussi j'ai profité de la lumière qui m'a conduit ici pour venir puiser
des renseignements auprès de vous.
Il me semble que ce n'est
pas la première fois que je vous vois ; mes idées sont encore troubles…
On me permet de revenir une autre fois quand je serai mieux habitué à ma
position actuelle… C'est égal, je m'en vais à regret ; je me trouvais
dans mon centre… mais je sens qu'il faut obéir ; cet Esprit me paraît
bon, mais sévère. Je vais m'efforcer de gagner sa bonne grâce pour
pouvoir parler plus souvent avec vous.
Un ouvrier du cours Lieutaud
Dans l'écroulement d'un pont qui avait eu lieu peu de jours
auparavant, six ouvriers avaient péri ; c'est l'un d'eux qui s'est
manifesté.
Après cette communication, le guide du médium lui dicta ce qui suit :
Chère sœur, ce malheureux Esprit a été conduit vers toi pour exercer
ta charité. Comme nous la pratiquons envers les incarnés, la vôtre doit
s'exercer envers les désincarnés.
Bien que ce malheureux soit
soutenu par son ange gardien, celui-ci doit lui rester invisible,
jusqu'à ce qu'il se reconnaisse bien dans sa situation. Pour cela, chère
sœur, prends-le sous ta protection, qui est encore faible, j'en
conviens ; mais soutenu par ta foi, cet Esprit verra bientôt reluire
l'aurore d'un nouveau jour, et ce qu'il a refusé de reconnaître depuis
sa catastrophe deviendra bientôt pour lui un sujet de paix et de joie.
Ta tâche ne sera pas trop difficile, car il a l'essentiel pour te
comprendre : la bonté du cœur.
Ecoute, chère sœur, les élans de ton cœur, et tu sortiras victorieuse de l'épreuve que ta nouvelle mission t'impose.
Soutenez-vous mutuellement, chers frères et bien-aimées sœurs, et la
nouvelle Jérusalem que vous êtes sur le point d'atteindre vous sera
ouverte avec chants de triomphe, car le cortège qui vous suivra vous
rendra victorieux. Mais pour bien combattre les obstacles extérieurs, il
faut avant tout s'être vaincu soi-même. Vous devez maintenir une
discipline sévère envers votre cœur ; la moindre infraction doit être
réprimée, sans chercher à atténuer la faute, sinon vous ne serez jamais
vainqueurs des autres ; entre vous, il vous faut faire assaut de vertus
et de vigilance.
Courage, amis ; vous n'êtes pas seuls ; vous
êtes soutenus et protégés par les combattants spirituels qui espèrent en
vous, et appellent sur vous la bénédiction du Très-Haut.
Votre Guide.
Ce fait, comme on le voit, a quelque analogie de situation avec le
précédent ; c'est également un Esprit qui ne se reconnaît pas, qui ne
comprend pas sa situation ; mais il est aisé de voir celui des deux qui
sortira le premier d'incertitude. Au langage de l'un, on reconnaît le
savant orgueilleux, qui a raisonné son incrédulité, qui, paraît-il, n'a
pas toujours fait de son intelligence et de son savoir le meilleur usage
possible ; l'autre est une nature inculte, mais bonne, à laquelle, sans
doute, il n'a manqué qu'une bonne direction. L'incrédulité, chez lui,
n'était pas un système, mais une suite du défaut d'enseignement
convenable. Celui qui, de son vivant, eût peut-être pris l'autre en
pitié, pourrait bien le voir bientôt dans une position plus heureuse que
lui. Puisse Dieu les mettre en présence pour leur instruction mutuelle,
et le savant pourrait bien être très heureux de recevoir les leçons de
l'ignorant.