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REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1866 > Février
Février
Le Spiritisme selon les SpiritesExtrait du journal la Discussion
La Discussion, journal hebdomadaire, politique et financier, imprimé à Bruxelles, n'est point une de ces feuilles légères qui visent à l'amusement du public frivole par le fond et par la forme ; c'est un journal sérieux, accrédité surtout dans le monde de la finance, et qui en est à sa onzième année[1]. Sous le titre de : Le Spiritisme selon les Spirites, le numéro du 31 décembre 1865 contient l'article suivant :
« Spirites et Spiritisme sont deux mots maintenant bien connus et fréquemment employés, quoiqu'ils fussent encore ignorés il y a seulement quelques mois. Cependant la plupart des personnes qui se servent de ces mots en sont à se demander ce qu'ils signifient exactement, et bien que chacune se fasse cette question, nulle ne l'adresse, parce que toutes veulent passer pour connaître le mot de la charade.
Quelquefois pourtant, la curiosité intrigue jusqu'à amener l'interrogation sur les lèvres, et, à votre désir, chacun vous renseigne.
Les uns prétendent que le Spiritisme c'est le truc de l'armoire des frères Davenport ; d'autres affirment que ce n'est rien autre chose que la magie et la sorcellerie d'autrefois qu'on veut remettre en faveur sous un nouveau nom. Selon les bonnes femmes de tous les quartiers, les Spirites ont des entretiens mystérieux avec le diable, auquel ils ont préalablement signé un compromis. Enfin, si ont lit les journaux, on y apprend que les Spirites sont tous des fous, ou tout au moins les dupes de certains charlatans appelés médiums. Ces charlatans s'en viennent, avec ou sans armoire, donner des représentations à qui veut les payer, et, pour mieux accréditer leur jonglerie, ils disent opérer sous l'influence occulte des Esprits d'outre-tombe.
Voilà ce que j'avais appris ces derniers temps ; vu le désaccord de ces réponses, j'étais résolu, pour m'éclairer, à aller voir le diable, dût-il m'emporter, ou à me faire duper par un médium, dussé-je lui laisser ma raison. Je me souvins alors, très à propos, d'un ami que je soupçonnais de spiritisme, et je fus le trouver, afin qu'il me procurât les moyens de satisfaire ma curiosité.
Je lui fis part des opinions diverses que j'avais recueillies et lui exposai l'objet de ma visite. Mais mon ami rit beaucoup de ce qu'il appelait ma naïveté et me donna à peu près l'explication que voici :
Le Spiritisme n'est pas, comme on le croit vulgairement, une recette pour faire danser des tables ou pour exécuter des tours d'escamotage, et c'est à tort que chacun veut y trouver du merveilleux.
Le Spiritisme est une science ou, pour mieux dire, une philosophie spiritualiste, qui enseigne la morale.
Elle n'est pas une religion, en ce qu'elle n'a ni dogmes, ni culte, ni prêtres, ni articles de foi ; elle est plus qu'une philosophie, parce que sa doctrine est établie sur la preuve certaine de l'immortalité de l'âme : c'est pour fournir cette preuve que les Spirites évoquent les Esprits d'outre-tombe.
Les médiums sont doués d'une faculté naturelle qui les rend propres à servir d'intermédiaires aux Esprits et à produire avec eux les phénomènes qui passent pour des miracles ou pour de la prestidigitation aux yeux de quiconque en ignore l'explication. Mais la faculté médianimique n'est pas le privilège exclusif de certains individus ; elle est inhérente à l'espèce humaine, quoique chacun la possède à différents degrés, ou sous différentes formes.
Ainsi pour qui connaît le Spiritisme, toutes les merveilles dont on accuse cette doctrine ne sont tout simplement que des phénomènes de l'ordre physique, c'est-à-dire des effets dont la cause réside dans les lois de la nature.
Cependant les Esprits ne se communiquent pas aux vivants dans le seul but de prouver leur existence : ce sont eux qui ont dicté et développent tous les jours la philosophie spiritualiste.
Comme toute philosophie, celle-ci a son système, qui consiste dans la révélation des lois qui régissent l'univers et dans la solution d'un grand nombre de problèmes philosophiques devant lesquels, jusqu'ici, l'humanité impuissante a été contrainte de s'incliner.
C'est ainsi que le Spiritisme démontre, entre autres choses, la nature de l'âme, sa destinée, la cause de notre existence ici-bas ; il dévoile le mystère de la mort ; il donne raison des vices et des vertus de l'homme ; il dit ce qu'est l'homme, ce qu'est le monde, ce qu'est l'univers ; il fait enfin le tableau de l'harmonie universelle, etc.
Ce système repose sur des preuves logiques et irréfutables qui ont elles-mêmes pour arbitre de leur vérité des faits palpables et la raison la plus pure. Ainsi, dans toutes les théories qu'il expose, il agit comme la science et n'avance pas un point que le précédant ne soit complètement certifié. Aussi, le Spiritisme n'impose-t-il pas la confiance, parce qu'il n'a besoin, pour être accepté, que de l'autorité du bon sens.
Ce système établi, il en est déduit, comme conséquence immédiate, un enseignement moral.
Cette morale n'est autre que la morale chrétienne, la morale qui est écrite dans le cœur de tout être humain, et elle est de toutes les religions et de toutes les philosophies, par cela même qu'elle appartient à tous les hommes. Mais, dégagée de tout fanatisme, de toute superstition, de tout esprit de secte ou d'école, elle resplendit dans toute sa pureté.
C'est à cette pureté qu'elle demande toute sa grandeur et toute sa beauté, de sorte que c'est la première fois que la morale nous apparaît revêtue d'un éclat aussi majestueux et aussi splendide.
L'objet de toute morale est d'être pratiquée ; mais celle-ci surtout tient cette condition comme absolue, car elle nomme Spirites, non ceux qui acceptent ses préceptes, mais seulement ceux qui mettent ses préceptes en action.
Dirai-je quelles sont ses doctrines ? Je ne prétends pas enseigner ici, et l'énoncé des maximes me conduirait nécessairement à les développer.
Je dirai seulement que la morale spirite nous apprend à supporter le malheur sans le mépriser, à jouir du bonheur sans nous y attacher ; elle nous abaisse sans nous humilier, elle nous élève sans nous enorgueillir ; elle nous place au-dessus des intérêts matériels, sans pour cela les marquer d'avilissement, car elle nous enseigne, au contraire, que tous les avantages dont nous sommes favorisés sont autant de forces qui nous sont confiées et de l'emploi desquelles nous sommes responsables envers les autres et envers nous-mêmes.
Vient alors la nécessité de spécifier cette responsabilité, les peines qui sont attachées à l'infraction au devoir, et les récompenses dont jouissent ceux qui lui ont obéi. Mais là encore, les assertions ne sont tirées que des faits et peuvent se vérifier jusqu'à parfaite conviction.
Telle est cette philosophie, où tout est grand, car tout y est simple ; où rien n'est obscur, car tout y est prouvé ; où tout est sympathique, parce que chaque question y intéresse intimement chacun de nous.
Telle est cette science qui, projetant une vive lumière sur les ténèbres de la raison, dévoile tout à coup les mystères que nous croyions impénétrables, et recule jusqu'à l'infini l'horizon de l'intelligence.
Telle est cette doctrine qui prétend rendre heureux, en les améliorant, tous ceux qui consentent à la suivre, et qui ouvre enfin à l'humanité une voie sûre au progrès moral.
Telle est enfin la folie dont sont atteints les Spirites et la sorcellerie qu'ils pratiquent. »
Ainsi, en souriant, termina mon ami, qui, à ma prière, me donna rendez-vous pour visiter ensemble quelques réunions spirites, où les expériences se joignent à l'enseignement.
Rentré chez moi, je me rappelai ce que j'avais dit, de concert avec tout le monde, contre le Spiritisme, avant de connaître seulement la signification de ce mot, et ce souvenir me remplit d'une amère confusion.
Je pensai alors que, malgré les démentis sévères infligés à l'orgueil humain par les découvertes de la science moderne, nous ne songions guère, dans le temps de progrès où nous vivons, à mettre à profit les enseignements de l'expérience ; et que ces mots écrits par Pascal, il y a deux cents ans, seront encore pendant des siècles d'une rigoureuse exactitude : « C'est une maladie naturelle à l'homme de croire qu'il possède la vérité directement ; et de là vient qu'il est toujours disposé à nier ce qui lui est incompréhensible.
A. Briquel. »
Comme on le voit, l'auteur de cet article a voulu présenter le Spiritisme sous son véritable jour, dégagé des travestissements que lui fait subir la critique, tel, en un mot, que l'admettent les Spirites, et nous sommes heureux de dire qu'il a parfaitement réussi. Il est impossible, en effet, de résumer la question d'une manière plus claire et plus précise. Nous devons aussi des félicitations à la direction du journal qui, dans un esprit d'impartialité que l'on aimerait voir chez tous ceux qui font profession de libéralisme, et se posent en apôtres de la liberté de penser, a accueilli une profession de foi aussi explicite.
Au reste, ses intentions touchant le Spiritisme sont nettement formulées dans l'article suivant, publié dans le numéro du 28 janvier :
« Spirites et Spiritisme sont deux mots maintenant bien connus et fréquemment employés, quoiqu'ils fussent encore ignorés il y a seulement quelques mois. Cependant la plupart des personnes qui se servent de ces mots en sont à se demander ce qu'ils signifient exactement, et bien que chacune se fasse cette question, nulle ne l'adresse, parce que toutes veulent passer pour connaître le mot de la charade.
Quelquefois pourtant, la curiosité intrigue jusqu'à amener l'interrogation sur les lèvres, et, à votre désir, chacun vous renseigne.
Les uns prétendent que le Spiritisme c'est le truc de l'armoire des frères Davenport ; d'autres affirment que ce n'est rien autre chose que la magie et la sorcellerie d'autrefois qu'on veut remettre en faveur sous un nouveau nom. Selon les bonnes femmes de tous les quartiers, les Spirites ont des entretiens mystérieux avec le diable, auquel ils ont préalablement signé un compromis. Enfin, si ont lit les journaux, on y apprend que les Spirites sont tous des fous, ou tout au moins les dupes de certains charlatans appelés médiums. Ces charlatans s'en viennent, avec ou sans armoire, donner des représentations à qui veut les payer, et, pour mieux accréditer leur jonglerie, ils disent opérer sous l'influence occulte des Esprits d'outre-tombe.
Voilà ce que j'avais appris ces derniers temps ; vu le désaccord de ces réponses, j'étais résolu, pour m'éclairer, à aller voir le diable, dût-il m'emporter, ou à me faire duper par un médium, dussé-je lui laisser ma raison. Je me souvins alors, très à propos, d'un ami que je soupçonnais de spiritisme, et je fus le trouver, afin qu'il me procurât les moyens de satisfaire ma curiosité.
Je lui fis part des opinions diverses que j'avais recueillies et lui exposai l'objet de ma visite. Mais mon ami rit beaucoup de ce qu'il appelait ma naïveté et me donna à peu près l'explication que voici :
Le Spiritisme n'est pas, comme on le croit vulgairement, une recette pour faire danser des tables ou pour exécuter des tours d'escamotage, et c'est à tort que chacun veut y trouver du merveilleux.
Le Spiritisme est une science ou, pour mieux dire, une philosophie spiritualiste, qui enseigne la morale.
Elle n'est pas une religion, en ce qu'elle n'a ni dogmes, ni culte, ni prêtres, ni articles de foi ; elle est plus qu'une philosophie, parce que sa doctrine est établie sur la preuve certaine de l'immortalité de l'âme : c'est pour fournir cette preuve que les Spirites évoquent les Esprits d'outre-tombe.
Les médiums sont doués d'une faculté naturelle qui les rend propres à servir d'intermédiaires aux Esprits et à produire avec eux les phénomènes qui passent pour des miracles ou pour de la prestidigitation aux yeux de quiconque en ignore l'explication. Mais la faculté médianimique n'est pas le privilège exclusif de certains individus ; elle est inhérente à l'espèce humaine, quoique chacun la possède à différents degrés, ou sous différentes formes.
Ainsi pour qui connaît le Spiritisme, toutes les merveilles dont on accuse cette doctrine ne sont tout simplement que des phénomènes de l'ordre physique, c'est-à-dire des effets dont la cause réside dans les lois de la nature.
Cependant les Esprits ne se communiquent pas aux vivants dans le seul but de prouver leur existence : ce sont eux qui ont dicté et développent tous les jours la philosophie spiritualiste.
Comme toute philosophie, celle-ci a son système, qui consiste dans la révélation des lois qui régissent l'univers et dans la solution d'un grand nombre de problèmes philosophiques devant lesquels, jusqu'ici, l'humanité impuissante a été contrainte de s'incliner.
C'est ainsi que le Spiritisme démontre, entre autres choses, la nature de l'âme, sa destinée, la cause de notre existence ici-bas ; il dévoile le mystère de la mort ; il donne raison des vices et des vertus de l'homme ; il dit ce qu'est l'homme, ce qu'est le monde, ce qu'est l'univers ; il fait enfin le tableau de l'harmonie universelle, etc.
Ce système repose sur des preuves logiques et irréfutables qui ont elles-mêmes pour arbitre de leur vérité des faits palpables et la raison la plus pure. Ainsi, dans toutes les théories qu'il expose, il agit comme la science et n'avance pas un point que le précédant ne soit complètement certifié. Aussi, le Spiritisme n'impose-t-il pas la confiance, parce qu'il n'a besoin, pour être accepté, que de l'autorité du bon sens.
Ce système établi, il en est déduit, comme conséquence immédiate, un enseignement moral.
Cette morale n'est autre que la morale chrétienne, la morale qui est écrite dans le cœur de tout être humain, et elle est de toutes les religions et de toutes les philosophies, par cela même qu'elle appartient à tous les hommes. Mais, dégagée de tout fanatisme, de toute superstition, de tout esprit de secte ou d'école, elle resplendit dans toute sa pureté.
C'est à cette pureté qu'elle demande toute sa grandeur et toute sa beauté, de sorte que c'est la première fois que la morale nous apparaît revêtue d'un éclat aussi majestueux et aussi splendide.
L'objet de toute morale est d'être pratiquée ; mais celle-ci surtout tient cette condition comme absolue, car elle nomme Spirites, non ceux qui acceptent ses préceptes, mais seulement ceux qui mettent ses préceptes en action.
Dirai-je quelles sont ses doctrines ? Je ne prétends pas enseigner ici, et l'énoncé des maximes me conduirait nécessairement à les développer.
Je dirai seulement que la morale spirite nous apprend à supporter le malheur sans le mépriser, à jouir du bonheur sans nous y attacher ; elle nous abaisse sans nous humilier, elle nous élève sans nous enorgueillir ; elle nous place au-dessus des intérêts matériels, sans pour cela les marquer d'avilissement, car elle nous enseigne, au contraire, que tous les avantages dont nous sommes favorisés sont autant de forces qui nous sont confiées et de l'emploi desquelles nous sommes responsables envers les autres et envers nous-mêmes.
Vient alors la nécessité de spécifier cette responsabilité, les peines qui sont attachées à l'infraction au devoir, et les récompenses dont jouissent ceux qui lui ont obéi. Mais là encore, les assertions ne sont tirées que des faits et peuvent se vérifier jusqu'à parfaite conviction.
Telle est cette philosophie, où tout est grand, car tout y est simple ; où rien n'est obscur, car tout y est prouvé ; où tout est sympathique, parce que chaque question y intéresse intimement chacun de nous.
Telle est cette science qui, projetant une vive lumière sur les ténèbres de la raison, dévoile tout à coup les mystères que nous croyions impénétrables, et recule jusqu'à l'infini l'horizon de l'intelligence.
Telle est cette doctrine qui prétend rendre heureux, en les améliorant, tous ceux qui consentent à la suivre, et qui ouvre enfin à l'humanité une voie sûre au progrès moral.
Telle est enfin la folie dont sont atteints les Spirites et la sorcellerie qu'ils pratiquent. »
Ainsi, en souriant, termina mon ami, qui, à ma prière, me donna rendez-vous pour visiter ensemble quelques réunions spirites, où les expériences se joignent à l'enseignement.
Rentré chez moi, je me rappelai ce que j'avais dit, de concert avec tout le monde, contre le Spiritisme, avant de connaître seulement la signification de ce mot, et ce souvenir me remplit d'une amère confusion.
Je pensai alors que, malgré les démentis sévères infligés à l'orgueil humain par les découvertes de la science moderne, nous ne songions guère, dans le temps de progrès où nous vivons, à mettre à profit les enseignements de l'expérience ; et que ces mots écrits par Pascal, il y a deux cents ans, seront encore pendant des siècles d'une rigoureuse exactitude : « C'est une maladie naturelle à l'homme de croire qu'il possède la vérité directement ; et de là vient qu'il est toujours disposé à nier ce qui lui est incompréhensible.
A. Briquel. »
Comme on le voit, l'auteur de cet article a voulu présenter le Spiritisme sous son véritable jour, dégagé des travestissements que lui fait subir la critique, tel, en un mot, que l'admettent les Spirites, et nous sommes heureux de dire qu'il a parfaitement réussi. Il est impossible, en effet, de résumer la question d'une manière plus claire et plus précise. Nous devons aussi des félicitations à la direction du journal qui, dans un esprit d'impartialité que l'on aimerait voir chez tous ceux qui font profession de libéralisme, et se posent en apôtres de la liberté de penser, a accueilli une profession de foi aussi explicite.
Au reste, ses intentions touchant le Spiritisme sont nettement formulées dans l'article suivant, publié dans le numéro du 28 janvier :
[1] Bureaux à Bruxelles, 17, Montagne de Sion ; Paris, 31, rue Bergère. ‑ Prix pour la France, 12 fr. par an ; 7 fr. pour six mois ; chaque numéro de huit pages gr. in-folio : 25 centimes.
Comment nous entendons parler du Spiritisme.
L'article publié
dans notre numéro du 31 décembre, sur le Spiritisme, a provoqué de
nombreuses demandes à l'effet de savoir si nous nous proposons de
traiter ultérieurement cette question, et si nous nous en faisons
l'organe. Une explication catégorique à ce sujet étant nécessaire pour
éviter toute méprise, voici notre réponse :
« La Discussion est un journal ouvert à toutes les idées progressives ; or le progrès ne peut se faire que par les idées nouvelles qui viennent de temps à autre changer le cours des idées reçues. Les repousser parce qu'elles détruisent celles dont on a été bercé, c'est, à nos yeux, manquer de logique. Sans nous faire les apologistes de toutes les élucubrations de l'esprit humain, ce qui ne serait pas plus rationnel, nous considérons comme un devoir d'impartialité de mettre le public à même de les juger ; pour cela, il suffit de les présenter telles qu'elles sont, sans prendre prématurément parti ni pour ni contre ; car, si elles sont fausses, ce n'est pas notre adhésion qui les rendra justes, et si elles sont justes, notre désaveu ne les rendrait pas fausses. En tout, c'est l'opinion publique et l'avenir qui prononcent en dernier ressort ; mais, pour apprécier le fort et le faible d'une idée, il faut la connaître dans son essence, et non telle que la présentent ceux qui ont intérêt à la combattre, c'est-à-dire le plus souvent tronquée et défigurée. Si donc nous exposons les principes d'une théorie nouvelle, nous ne voulons pas que ses auteurs ou ses partisans puissent nous faire le reproche de leur faire dire le contraire de ce qu'ils disent. Agir ainsi, n'est pas en assumer la responsabilité : c'est dire ce qui est et réserver l'opinion de tout le monde. Nous mettons l'idée en évidence dans toute sa vérité ; si elle est bonne, elle fera son chemin, et nous lui aurons ouvert la porte ; si elle est mauvaise, nous aurons donné les moyens de la juger en connaissance de cause.
C'est ainsi que nous procéderons à l'égard du Spiritisme. Quelle que soit la manière de voir à ce sujet, nul ne peut se dissimuler l'extension qu'il a prise en quelques années ; par le nombre et la qualité de ses partisans, il a conquis sa place parmi les opinions reçues. Les tempêtes qu'il soulève, l'acharnement qu'on met à le combattre dans un certain monde, sont, pour les moins clairvoyants, l'indice qu'il renferme quelque chose de grave, puisqu'il met tant de gens en émoi. Que l'on en pense ce qu'on voudra, c'est incontestablement une des grandes questions à l'ordre du jour ; nous ne serions donc pas conséquents avec notre programme si nous la passions sous silence. Nos lecteurs ont droit de nous demander que nous leur fassions connaître ce que c'est que cette doctrine qui fait un si grand bruit ; notre intérêt est de les satisfaire, et notre devoir est de le faire avec impartialité. Notre opinion personnelle sur la chose leur importe peu ; ce qu'ils attendent de nous, c'est un compte rendu exact des faits et gestes de ses partisans, sur lequel ils puissent former leur propre opinion. Comment nous y prendrons-nous ? C'est bien simple : Nous irons à la source même ; nous ferons pour le Spiritisme ce que nous faisons pour les questions de politique, de finance, de science, d'art ou de littérature ; c'est-à-dire que nous en chargerons des hommes spéciaux. Les questions de Spiritisme seront donc traitées par des Spirites, comme celles d'architecture par des architectes, afin qu'on ne nous qualifie pas d'aveugles raisonnant des couleurs, et qu'on ne nous applique pas cette parole de Figaro : Il fallait un calculateur, on prit un danseur.
En somme, la Discussion ne se pose ni en organe ni en apôtre du Spiritisme ; elle lui ouvre ses colonnes comme à toutes les idées nouvelles, sans prétendre imposer cette opinion à ses lecteurs, toujours libres de la contrôler, de l'accepter ou de la rejeter. Elle laisse à ses rédacteurs spéciaux toute liberté de discuter les principes dont ils assument seuls la responsabilité ; mais ce que, dans l'intérêt de sa propre dignité, elle repoussera toujours, c'est la polémique agressive et personnelle. »
« La Discussion est un journal ouvert à toutes les idées progressives ; or le progrès ne peut se faire que par les idées nouvelles qui viennent de temps à autre changer le cours des idées reçues. Les repousser parce qu'elles détruisent celles dont on a été bercé, c'est, à nos yeux, manquer de logique. Sans nous faire les apologistes de toutes les élucubrations de l'esprit humain, ce qui ne serait pas plus rationnel, nous considérons comme un devoir d'impartialité de mettre le public à même de les juger ; pour cela, il suffit de les présenter telles qu'elles sont, sans prendre prématurément parti ni pour ni contre ; car, si elles sont fausses, ce n'est pas notre adhésion qui les rendra justes, et si elles sont justes, notre désaveu ne les rendrait pas fausses. En tout, c'est l'opinion publique et l'avenir qui prononcent en dernier ressort ; mais, pour apprécier le fort et le faible d'une idée, il faut la connaître dans son essence, et non telle que la présentent ceux qui ont intérêt à la combattre, c'est-à-dire le plus souvent tronquée et défigurée. Si donc nous exposons les principes d'une théorie nouvelle, nous ne voulons pas que ses auteurs ou ses partisans puissent nous faire le reproche de leur faire dire le contraire de ce qu'ils disent. Agir ainsi, n'est pas en assumer la responsabilité : c'est dire ce qui est et réserver l'opinion de tout le monde. Nous mettons l'idée en évidence dans toute sa vérité ; si elle est bonne, elle fera son chemin, et nous lui aurons ouvert la porte ; si elle est mauvaise, nous aurons donné les moyens de la juger en connaissance de cause.
C'est ainsi que nous procéderons à l'égard du Spiritisme. Quelle que soit la manière de voir à ce sujet, nul ne peut se dissimuler l'extension qu'il a prise en quelques années ; par le nombre et la qualité de ses partisans, il a conquis sa place parmi les opinions reçues. Les tempêtes qu'il soulève, l'acharnement qu'on met à le combattre dans un certain monde, sont, pour les moins clairvoyants, l'indice qu'il renferme quelque chose de grave, puisqu'il met tant de gens en émoi. Que l'on en pense ce qu'on voudra, c'est incontestablement une des grandes questions à l'ordre du jour ; nous ne serions donc pas conséquents avec notre programme si nous la passions sous silence. Nos lecteurs ont droit de nous demander que nous leur fassions connaître ce que c'est que cette doctrine qui fait un si grand bruit ; notre intérêt est de les satisfaire, et notre devoir est de le faire avec impartialité. Notre opinion personnelle sur la chose leur importe peu ; ce qu'ils attendent de nous, c'est un compte rendu exact des faits et gestes de ses partisans, sur lequel ils puissent former leur propre opinion. Comment nous y prendrons-nous ? C'est bien simple : Nous irons à la source même ; nous ferons pour le Spiritisme ce que nous faisons pour les questions de politique, de finance, de science, d'art ou de littérature ; c'est-à-dire que nous en chargerons des hommes spéciaux. Les questions de Spiritisme seront donc traitées par des Spirites, comme celles d'architecture par des architectes, afin qu'on ne nous qualifie pas d'aveugles raisonnant des couleurs, et qu'on ne nous applique pas cette parole de Figaro : Il fallait un calculateur, on prit un danseur.
En somme, la Discussion ne se pose ni en organe ni en apôtre du Spiritisme ; elle lui ouvre ses colonnes comme à toutes les idées nouvelles, sans prétendre imposer cette opinion à ses lecteurs, toujours libres de la contrôler, de l'accepter ou de la rejeter. Elle laisse à ses rédacteurs spéciaux toute liberté de discuter les principes dont ils assument seuls la responsabilité ; mais ce que, dans l'intérêt de sa propre dignité, elle repoussera toujours, c'est la polémique agressive et personnelle. »
Cures d'obsessions
On nous écrit de Cazères, 7 janvier
1866 :
« Voici un deuxième cas d'obsession que nous avons entrepris et mené à bonne fin dans le courant du mois de juillet dernier. L'obsédée était âgée de vingt-deux ans ; elle jouissait d'une santé parfaite ; malgré cela, elle fut tout à coup en proie à des accès de folie ; ses parents la firent soigner par des médecins, mais inutilement, car le mal, au lieu de disparaître, devenait de plus en plus intense, au point que, pendant les crises, il était impossible de la contenir. Voyant cela, les parents, d'après l'avis des médecins, obtinrent son admission dans une maison d'aliénés, où son état n'éprouva aucune amélioration. Ni eux ni la malade ne s'étaient jamais occupés du Spiritisme, qu'ils ne connaissaient même pas ; mais ayant entendu parler de la guérison de Jeanne R…, dont je vous ai entretenu, ils vinrent nous trouver pour nous demander si nous pourrions faire quelque chose pour leur malheureuse enfant. Nous répondîmes que nous ne pouvions rien affirmer avant de connaître la véritable cause du mal. Nos guides, consultés à notre première séance, nous dirent que cette jeune fille était subjuguée par un Esprit très rebelle, mais que nous finirions par le ramener dans la bonne voie, et que la guérison qui s'ensuivrait nous donnerait la preuve de la vérité de cette assertion. J'écrivis en conséquence aux parents, éloignés de notre ville de 35 kilomètres, que leur fille guérirait, et que la guérison ne se ferait pas longtemps attendre, sans toutefois pouvoir leur en préciser l'époque.
Nous avons évoqué l'Esprit obsesseur pendant huit jours de suite, et nous avons été assez heureux pour changer ses mauvaises dispositions et lui faire renoncer à tourmenter sa victime. En effet, la malade guérit, comme l'avaient annoncé nos guides.
Les adversaires du Spiritisme répètent sans cesse que la pratique de cette doctrine conduit à l'hôpital. Eh bien ! nous, nous pouvons leur dire, dans cette circonstance, que le Spiritisme en a fait sortir ceux qu'ils y avaient fait entrer. »
Ce fait, entre mille, est une nouvelle preuve de l'existence de la folie obsessionnelle, dont la cause est toute autre que celle de la folie pathologique, et devant laquelle la science échouera tant qu'elle s'obstinera à nier l'élément spirituel et son influence sur l'économie. Le cas est ici bien évident : voilà une jeune fille présentant tellement les caractères de la folie, que les médecins s'y sont mépris, et qui est guérie, à plusieurs lieues de distance, par des personnes qui ne l'ont jamais vue, sans aucun médicament ni traitement médical, et par la seule moralisation de l'Esprit obsesseur. Il y a donc des Esprits obsesseurs dont l'action peut être pernicieuse pour la raison et la santé. N'est-il pas certain que si la folie eût été occasionnée par une lésion organique quelconque, ce moyen aurait été impuissant ? Si l'on objectait que cette guérison spontanée peut être due à une cause fortuite, nous répondrions que si l'on n'avait à citer qu'un fait unique, il serait sans doute téméraire d'en déduire l'affirmation d'un principe aussi important, mais les exemples de guérisons semblables sont très nombreux ; ils ne sont point le privilège d'un individu et se répètent tous les jours en diverses contrées, signes indubitables qu'ils reposent sur une loi de nature.
Nous avons cité plusieurs cures de ce genre, notamment dans les mois de février 1864 et janvier 1865, qui contiennent deux relations complètes éminemment instructives. Voici un autre fait, non moins caractéristique, obtenu dans le groupe de Marmande.
Dans un village, à quelques lieues de cette ville, était un paysan atteint d'une folie tellement furieuse, qu'il poursuivait les gens à coups de fourche pour les tuer, et qu'à défaut de gens il s'attaquait aux animaux de la basse-cour. Il courait sans cesse les champs et ne rentrait plus chez lui. Sa présence était dangereuse ; aussi obtint-on sans peine l'autorisation de le faire entrer à la maison des aliénés de Cadillac. Ce n'était pas sans un vif chagrin que sa famille se vit forcée de prendre ce parti. Avant de l'emmener, un de ses parents ayant entendu parler des guérisons obtenues à Marmande, dans des cas semblables, vint trouver M. Dombre et lui dit : « Monsieur, on m'a dit que vous guérissiez les fous, c'est pourquoi je viens vous trouver ; » puis il lui raconta ce dont il s'agissait, ajoutant : « C'est que, voyez-vous, cela nous fait tant de peine de nous séparer de ce pauvre J…, que j'ai voulu voir auparavant s'il n'y avait pas moyen de l'empêcher.
‑ Mon brave homme, lui dit M. Dombre, je ne sais qui m'a fait cette réputation ; j'ai réussi quelquefois, il est vrai, à rendre la raison à de pauvres insensés, mais cela dépend de la cause de la folie. Quoique je ne vous connaisse pas, je vais voir néanmoins si je puis vous être utile. » S'étant immédiatement rendu avec l'individu chez son médium habituel, il obtint de son guide l'assurance qu'il s'agissait d'une obsession grave, mais qu'avec de la persévérance il en viendrait à bout. Là-dessus il dit au paysan : « Attendez encore quelques jours avant de conduire votre parent à Cadillac ; nous allons nous en occuper ; revenez tous les deux jours me dire comment il se trouve. »
Dès le jour même ils se mirent à l'œuvre. L'Esprit se montra tout d'abord, comme ses pareils, peu traitable ; petit à petit, il finit par s'humaniser, et finalement par renoncer à tourmenter ce malheureux. Un fait assez particulier, c'est qu'il déclara n'avoir aucun sujet de haine contre cet homme ; que, tourmenté du besoin de faire le mal, il s'en était pris à lui comme à tout autre ; qu'il reconnaissait maintenant avoir tort et en demandait pardon à Dieu. Le paysan revint au bout de deux jours, et dit que son parent était plus calme, mais qu'il n'était pas encore rentré chez lui, et se cachait dans les haies. A la visite suivante, il était revenu à la maison, mais il était sombre, et se tenait à l'écart ; il ne cherchait plus à frapper personne. Quelques jours après, il allait à la foire et faisait ses affaires comme d'habitude. Ainsi, huit jours avaient suffi pour le ramener à l'état normal, et cela sans aucun traitement physique. Il est plus que probable que si on l'eût enfermé avec des fous, il aurait tout à fait perdu la raison.
Les cas d'obsession sont tellement fréquents, qu'il n'y a aucune exagération à dire que dans les maisons d'aliénés il y en a plus de la moitié qui n'ont que l'apparence de la folie, et sur lesquels la médication vulgaire est par cela même impuissante.
Le Spiritisme nous montre dans l'obsession une des causes perturbatrices de l'économie, et nous donne en même temps le moyen d'y remédier : c'est là un de ses bienfaits. Mais comment cette cause a-t-elle été reconnue, si ce n'est par les évocations ? Les évocations sont donc bonnes à quelque chose, quoi qu'en disent leurs détracteurs.
Il est évident que ceux qui n'admettent ni l'âme individuelle, ni sa survivance, ou qui, s'ils l'admettent, ne se rendent pas compte de l'état de l'Esprit après la mort, doivent regarder l'intervention d'êtres invisibles, en pareille circonstance, comme une chimère ; mais le fait brutal du mal et des guérisons est là. On ne saurait mettre sur le compte de l'imagination des cures opérées à distance, sur des personnes que l'on n'a jamais vues, sans l'emploi d'aucun agent matériel quelconque. La maladie ne peut être attribuée à la pratique du Spiritisme, puisqu'elle atteint même ceux qui n'y croient pas, et des enfants qui n'en ont aucune idée. Il n'y a pourtant ici rien de merveilleux, mais des effets naturels qui ont existé de tout temps, que l'on ne comprenait pas alors, et qui s'expliquent de la manière la plus simple, maintenant que l'on connaît les lois en vertu desquelles ils se produisent.
Ne voit-on pas, parmi les vivants, des êtres méchants en tourmenter d'autres plus faibles, jusqu'à les rendre malades, à les faire mourir même, et cela sans autre motif que le désir de faire le mal ? Il y a deux moyens de rendre la paix à la victime : la soustraire d'autorité à leur brutalité, ou développer en eux le sentiment du bien. La connaissance que nous avons maintenant du monde invisible nous le montre peuplé des mêmes êtres qui ont vécu sur la terre, les uns bons, les autres mauvais. Parmi ces derniers, il en est qui se complaisent encore au mal, par suite de leur infériorité morale, et qui n'ont pas encore dépouillé leurs instincts pervers ; ils sont au milieu de nous comme de leur vivant, avec la seule différence qu'au lieu d'avoir un corps matériel visible, ils en ont un fluidique invisible ; mais ce n'en sont pas moins les mêmes hommes, au sens moral peu développé, cherchant toujours les occasions de faire le mal, s'acharnant sur ceux qui leur donnent prise et qu'ils parviennent à soumettre à leur influence ; d'obsesseurs incarnés qu'ils étaient, ils sont obsesseurs désincarnés, d'autant plus dangereux qu'ils agissent sans être vus. Les éloigner par la force n'est pas chose facile, attendu qu'on ne peut les appréhender au corps ; le seul moyen de les maîtriser, c'est l'ascendant moral à l'aide duquel, par le raisonnement et de sages conseils, on parvient à les rendre meilleurs, ce à quoi ils sont plus accessibles à l'état d'Esprit qu'à l'état corporel. Dès l'instant où on les a amenés à renoncer volontairement à tourmenter, le mal disparaît, si ce mal est le fait d'une obsession ; or, on comprend que ce ne sont ni les douches, ni les remèdes administrés au malade qui peuvent agir sur l'Esprit obsesseur. Voilà tout le secret de ces guérisons, pour lesquelles il n'y a ni paroles sacramentelles, ni formules cabalistiques : on cause avec l'Esprit désincarné, on le moralise, on fait son éducation, comme on l'eût fait de son vivant. L'habileté consiste à savoir le prendre selon son caractère, à diriger avec tact les instructions qu'on lui donne, comme le ferait un instituteur expérimenté. Toute la question se réduit à ceci : Y a-t-il, oui ou non, des Esprits obsesseurs ? A cela on répond ce que nous avons dit plus haut : Les faits matériels sont là.
On demande parfois pourquoi Dieu permet aux mauvais Esprits de tourmenter les vivants. On pourrait avec autant de raison demander pourquoi il permet aux vivants de se tourmenter entre eux. On perd trop de vue l'analogie, les rapports et la connexité qui existent entre le monde corporel et le monde spirituel, qui se composent des mêmes êtres sous deux états différents ; là est la clef de tous ces phénomènes réputés surnaturels.
Il ne faut pas plus s'étonner des obsessions que des maladies et autres maux qui affligent l'humanité ; elles font partie des épreuves et des misères qui tiennent à l'infériorité du milieu où nos imperfections nous condamnent à vivre, jusqu'à ce que nous nous soyons suffisamment améliorés pour mériter d'en sortir. Les hommes subissent ici-bas les conséquences de leurs imperfections, car s'ils étaient plus parfaits, ils n'y seraient pas.
« Voici un deuxième cas d'obsession que nous avons entrepris et mené à bonne fin dans le courant du mois de juillet dernier. L'obsédée était âgée de vingt-deux ans ; elle jouissait d'une santé parfaite ; malgré cela, elle fut tout à coup en proie à des accès de folie ; ses parents la firent soigner par des médecins, mais inutilement, car le mal, au lieu de disparaître, devenait de plus en plus intense, au point que, pendant les crises, il était impossible de la contenir. Voyant cela, les parents, d'après l'avis des médecins, obtinrent son admission dans une maison d'aliénés, où son état n'éprouva aucune amélioration. Ni eux ni la malade ne s'étaient jamais occupés du Spiritisme, qu'ils ne connaissaient même pas ; mais ayant entendu parler de la guérison de Jeanne R…, dont je vous ai entretenu, ils vinrent nous trouver pour nous demander si nous pourrions faire quelque chose pour leur malheureuse enfant. Nous répondîmes que nous ne pouvions rien affirmer avant de connaître la véritable cause du mal. Nos guides, consultés à notre première séance, nous dirent que cette jeune fille était subjuguée par un Esprit très rebelle, mais que nous finirions par le ramener dans la bonne voie, et que la guérison qui s'ensuivrait nous donnerait la preuve de la vérité de cette assertion. J'écrivis en conséquence aux parents, éloignés de notre ville de 35 kilomètres, que leur fille guérirait, et que la guérison ne se ferait pas longtemps attendre, sans toutefois pouvoir leur en préciser l'époque.
Nous avons évoqué l'Esprit obsesseur pendant huit jours de suite, et nous avons été assez heureux pour changer ses mauvaises dispositions et lui faire renoncer à tourmenter sa victime. En effet, la malade guérit, comme l'avaient annoncé nos guides.
Les adversaires du Spiritisme répètent sans cesse que la pratique de cette doctrine conduit à l'hôpital. Eh bien ! nous, nous pouvons leur dire, dans cette circonstance, que le Spiritisme en a fait sortir ceux qu'ils y avaient fait entrer. »
Ce fait, entre mille, est une nouvelle preuve de l'existence de la folie obsessionnelle, dont la cause est toute autre que celle de la folie pathologique, et devant laquelle la science échouera tant qu'elle s'obstinera à nier l'élément spirituel et son influence sur l'économie. Le cas est ici bien évident : voilà une jeune fille présentant tellement les caractères de la folie, que les médecins s'y sont mépris, et qui est guérie, à plusieurs lieues de distance, par des personnes qui ne l'ont jamais vue, sans aucun médicament ni traitement médical, et par la seule moralisation de l'Esprit obsesseur. Il y a donc des Esprits obsesseurs dont l'action peut être pernicieuse pour la raison et la santé. N'est-il pas certain que si la folie eût été occasionnée par une lésion organique quelconque, ce moyen aurait été impuissant ? Si l'on objectait que cette guérison spontanée peut être due à une cause fortuite, nous répondrions que si l'on n'avait à citer qu'un fait unique, il serait sans doute téméraire d'en déduire l'affirmation d'un principe aussi important, mais les exemples de guérisons semblables sont très nombreux ; ils ne sont point le privilège d'un individu et se répètent tous les jours en diverses contrées, signes indubitables qu'ils reposent sur une loi de nature.
Nous avons cité plusieurs cures de ce genre, notamment dans les mois de février 1864 et janvier 1865, qui contiennent deux relations complètes éminemment instructives. Voici un autre fait, non moins caractéristique, obtenu dans le groupe de Marmande.
Dans un village, à quelques lieues de cette ville, était un paysan atteint d'une folie tellement furieuse, qu'il poursuivait les gens à coups de fourche pour les tuer, et qu'à défaut de gens il s'attaquait aux animaux de la basse-cour. Il courait sans cesse les champs et ne rentrait plus chez lui. Sa présence était dangereuse ; aussi obtint-on sans peine l'autorisation de le faire entrer à la maison des aliénés de Cadillac. Ce n'était pas sans un vif chagrin que sa famille se vit forcée de prendre ce parti. Avant de l'emmener, un de ses parents ayant entendu parler des guérisons obtenues à Marmande, dans des cas semblables, vint trouver M. Dombre et lui dit : « Monsieur, on m'a dit que vous guérissiez les fous, c'est pourquoi je viens vous trouver ; » puis il lui raconta ce dont il s'agissait, ajoutant : « C'est que, voyez-vous, cela nous fait tant de peine de nous séparer de ce pauvre J…, que j'ai voulu voir auparavant s'il n'y avait pas moyen de l'empêcher.
‑ Mon brave homme, lui dit M. Dombre, je ne sais qui m'a fait cette réputation ; j'ai réussi quelquefois, il est vrai, à rendre la raison à de pauvres insensés, mais cela dépend de la cause de la folie. Quoique je ne vous connaisse pas, je vais voir néanmoins si je puis vous être utile. » S'étant immédiatement rendu avec l'individu chez son médium habituel, il obtint de son guide l'assurance qu'il s'agissait d'une obsession grave, mais qu'avec de la persévérance il en viendrait à bout. Là-dessus il dit au paysan : « Attendez encore quelques jours avant de conduire votre parent à Cadillac ; nous allons nous en occuper ; revenez tous les deux jours me dire comment il se trouve. »
Dès le jour même ils se mirent à l'œuvre. L'Esprit se montra tout d'abord, comme ses pareils, peu traitable ; petit à petit, il finit par s'humaniser, et finalement par renoncer à tourmenter ce malheureux. Un fait assez particulier, c'est qu'il déclara n'avoir aucun sujet de haine contre cet homme ; que, tourmenté du besoin de faire le mal, il s'en était pris à lui comme à tout autre ; qu'il reconnaissait maintenant avoir tort et en demandait pardon à Dieu. Le paysan revint au bout de deux jours, et dit que son parent était plus calme, mais qu'il n'était pas encore rentré chez lui, et se cachait dans les haies. A la visite suivante, il était revenu à la maison, mais il était sombre, et se tenait à l'écart ; il ne cherchait plus à frapper personne. Quelques jours après, il allait à la foire et faisait ses affaires comme d'habitude. Ainsi, huit jours avaient suffi pour le ramener à l'état normal, et cela sans aucun traitement physique. Il est plus que probable que si on l'eût enfermé avec des fous, il aurait tout à fait perdu la raison.
Les cas d'obsession sont tellement fréquents, qu'il n'y a aucune exagération à dire que dans les maisons d'aliénés il y en a plus de la moitié qui n'ont que l'apparence de la folie, et sur lesquels la médication vulgaire est par cela même impuissante.
Le Spiritisme nous montre dans l'obsession une des causes perturbatrices de l'économie, et nous donne en même temps le moyen d'y remédier : c'est là un de ses bienfaits. Mais comment cette cause a-t-elle été reconnue, si ce n'est par les évocations ? Les évocations sont donc bonnes à quelque chose, quoi qu'en disent leurs détracteurs.
Il est évident que ceux qui n'admettent ni l'âme individuelle, ni sa survivance, ou qui, s'ils l'admettent, ne se rendent pas compte de l'état de l'Esprit après la mort, doivent regarder l'intervention d'êtres invisibles, en pareille circonstance, comme une chimère ; mais le fait brutal du mal et des guérisons est là. On ne saurait mettre sur le compte de l'imagination des cures opérées à distance, sur des personnes que l'on n'a jamais vues, sans l'emploi d'aucun agent matériel quelconque. La maladie ne peut être attribuée à la pratique du Spiritisme, puisqu'elle atteint même ceux qui n'y croient pas, et des enfants qui n'en ont aucune idée. Il n'y a pourtant ici rien de merveilleux, mais des effets naturels qui ont existé de tout temps, que l'on ne comprenait pas alors, et qui s'expliquent de la manière la plus simple, maintenant que l'on connaît les lois en vertu desquelles ils se produisent.
Ne voit-on pas, parmi les vivants, des êtres méchants en tourmenter d'autres plus faibles, jusqu'à les rendre malades, à les faire mourir même, et cela sans autre motif que le désir de faire le mal ? Il y a deux moyens de rendre la paix à la victime : la soustraire d'autorité à leur brutalité, ou développer en eux le sentiment du bien. La connaissance que nous avons maintenant du monde invisible nous le montre peuplé des mêmes êtres qui ont vécu sur la terre, les uns bons, les autres mauvais. Parmi ces derniers, il en est qui se complaisent encore au mal, par suite de leur infériorité morale, et qui n'ont pas encore dépouillé leurs instincts pervers ; ils sont au milieu de nous comme de leur vivant, avec la seule différence qu'au lieu d'avoir un corps matériel visible, ils en ont un fluidique invisible ; mais ce n'en sont pas moins les mêmes hommes, au sens moral peu développé, cherchant toujours les occasions de faire le mal, s'acharnant sur ceux qui leur donnent prise et qu'ils parviennent à soumettre à leur influence ; d'obsesseurs incarnés qu'ils étaient, ils sont obsesseurs désincarnés, d'autant plus dangereux qu'ils agissent sans être vus. Les éloigner par la force n'est pas chose facile, attendu qu'on ne peut les appréhender au corps ; le seul moyen de les maîtriser, c'est l'ascendant moral à l'aide duquel, par le raisonnement et de sages conseils, on parvient à les rendre meilleurs, ce à quoi ils sont plus accessibles à l'état d'Esprit qu'à l'état corporel. Dès l'instant où on les a amenés à renoncer volontairement à tourmenter, le mal disparaît, si ce mal est le fait d'une obsession ; or, on comprend que ce ne sont ni les douches, ni les remèdes administrés au malade qui peuvent agir sur l'Esprit obsesseur. Voilà tout le secret de ces guérisons, pour lesquelles il n'y a ni paroles sacramentelles, ni formules cabalistiques : on cause avec l'Esprit désincarné, on le moralise, on fait son éducation, comme on l'eût fait de son vivant. L'habileté consiste à savoir le prendre selon son caractère, à diriger avec tact les instructions qu'on lui donne, comme le ferait un instituteur expérimenté. Toute la question se réduit à ceci : Y a-t-il, oui ou non, des Esprits obsesseurs ? A cela on répond ce que nous avons dit plus haut : Les faits matériels sont là.
On demande parfois pourquoi Dieu permet aux mauvais Esprits de tourmenter les vivants. On pourrait avec autant de raison demander pourquoi il permet aux vivants de se tourmenter entre eux. On perd trop de vue l'analogie, les rapports et la connexité qui existent entre le monde corporel et le monde spirituel, qui se composent des mêmes êtres sous deux états différents ; là est la clef de tous ces phénomènes réputés surnaturels.
Il ne faut pas plus s'étonner des obsessions que des maladies et autres maux qui affligent l'humanité ; elles font partie des épreuves et des misères qui tiennent à l'infériorité du milieu où nos imperfections nous condamnent à vivre, jusqu'à ce que nous nous soyons suffisamment améliorés pour mériter d'en sortir. Les hommes subissent ici-bas les conséquences de leurs imperfections, car s'ils étaient plus parfaits, ils n'y seraient pas.
Le naufrage du Borysthène
La plupart de nos lecteurs ont lu sans doute dans les journaux l'émouvant récit du naufrage du Borysthène, sur les côtes de l'Algérie, le 15 décembre 1865. Nous extrayons le passage suivant de la relation d'un des passagers échappés au désastre, publiée dans le Siècle du 26 janvier :
« … Au même instant, un craquement terrible, indéfinissable, se fait entendre, accompagné de secousses si violentes, que je tombai par terre ; puis j'entends un matelot qui crie : « Mon Dieu ! nous sommes perdus ; priez pour nous ! » Nous venions de toucher le rocher, et le navire s'entrouvrait ; l'eau entrait dans la cale, on l'entendait bouillonner. Les soldats, qui couchaient sur le pont, se sauvent pêle-mêle, n'importe où, en poussant des cris affreux ; les passagers, à demi-nus, s'élancent hors des cabines ; les pauvres femmes s'accrochaient à tout le monde, en suppliant qu'on les sauvât. On priait le bon Dieu tout haut ; on se disait adieu. Un négociant arme un pistolet et veut se brûler la cervelle : on lui arrache son arme.
Les secousses continuaient ; la cloche du bord sonnait le tocsin, mais le vent mugissait si affreusement, que la cloche n'était point entendue à cinquante mètres. C'étaient des cris, des hurlements, des prières ; c'était je ne sais quoi d'affreux, de lugubre, d'épouvantable. Jamais je n'ai rien vu, jamais je n'ai rien lu de scène aussi horrible, aussi poignante. Être là, plein de vie, de santé, et en face d'une mort que l'on croit certaine, et une mort affreuse !
En ce moment suprême et indescriptible, le vicaire, M. Moisset, nous donna à tous sa bénédiction. La voix pleine de larmes de ce pauvre prêtre, recommandant à Dieu deux cent cinquante malheureux que la mer allait engloutir, remuait toutes les entrailles. »
N'y a-t-il pas un grand enseignement dans cette spontanéité de la prière en face d'un péril imminent ? Parmi cette foule entassée sur le navire, il y avait certes des incrédules qui ne songeaient guère auparavant ni à Dieu ni à leur âme, et voilà qu'en présence d'une mort qu'ils croient certaine, ils tournent leurs regards vers l'Être Suprême, comme vers leur unique planche de salut. C'est qu'au moment où l'on entend sonner la dernière heure, involontairement le cœur le plus endurci se demande ce qu'il va devenir. Le malade, dans son lit, espère jusqu'au dernier moment, c'est pourquoi il brave toute puissance surhumaine, et quand la mort le frappe, le plus souvent il a déjà perdu la conscience de lui-même. Sur un champ de bataille, il y a une surexcitation qui fait oublier le danger ; et puis tout le monde n'est pas atteint, et l'on a une chance d'échapper ; mais au milieu de l'Océan, quand on voit s'engloutir son navire, on n'espère plus qu'en un secours de cette Providence que l'on avait oubliée, et à laquelle l'athée est tout prêt à demander un miracle. Mais, hélas ! le danger passé, combien y en a-t-il qui en rendent grâce au hasard et à leur bonne chance, ingratitude que tôt ou tard ils payeront chèrement. (Évangile selon le Spiritisme, ch. xxvii, n° 8.)
En pareille circonstance, quelle est la pensée du Spirite sincère ? « je sais, dit-il, que je dois m'efforcer de conserver ma vie corporelle ; je ferai donc tout ce qui est en mon pouvoir pour échapper au danger, car, si je m'y abandonnais volontairement, ce serait un suicide ; mais s'il plait à Dieu de me la retirer, qu'importe que ce soit d'une manière ou d'une autre, un peu plus tôt ou un peu plus tard ! La mort n'a pour moi aucune appréhension, parce que je sais que le corps seul meurt, et que c'est l'entrée de la véritable vie, de celle de l'Esprit libre, où je retrouverai tous ceux qui me sont chers. » Il entrevoit, par la pensée, le monde spirituel, but de ses aspirations, dont quelques instants seulement le séparent encore, et dont la mort de son corps, qui le retenait sur la terre, va enfin lui ouvrir l'accès ; il s'en réjouit au lieu de s'en affliger, comme le prisonnier qui voit s'ouvrir les portes de sa prison. Une seule chose l'attriste, c'est de quitter ceux qu'il aime ; mais il s'en console par la certitude qu'il ne les abandonnera pas, qu'il sera plus souvent et plus facilement près d'eux que pendant sa vie, qu'il pourra les voir et les protéger. A-t-il, au contraire, échappé au danger, il se dira : « Puisque Dieu me laisse encore vivre sur la terre, c'est que ma tâche ou mes épreuves n'y sont pas achevées. Le danger que j'ai couru est un avertissement que Dieu me donne de me tenir prêt à partir au premier moment, et de faire en sorte que ce soit dans les meilleures conditions possibles. » Puis il le remerciera de ce sursis qui lui est accordé, et s'efforcera de le mettre à profit pour son avancement.
Un des plus curieux épisodes de ce drame est le fait de ce passager qui voulait se brûler la cervelle, se donnant ainsi une mort certaine, tandis qu'en courant les chances du naufrage, il pouvait surgir un secours inespéré. Quel mobile pouvait le porter à cet acte insensé ? Beaucoup diront qu'il avait perdu la tête, ce qui serait possible ; mais peut-être était-il mû, à son insu, par une intuition dont il ne se rendait pas compte. Quoique nous n'ayons aucune preuve matérielle de la véritable explication qui est donnée ci-après, la connaissance des rapports qui subsistent entre les différentes existences lui donne tout au moins un grand degré de probabilité.
Les deux communications suivantes ont été données dans la séance de la Société de Paris du 12 janvier.
I
La prière est le véhicule des fluides spirituels les plus puissants, et qui sont comme un baume salutaire pour les blessures de l'âme et du corps. Elle attire tous les êtres vers Dieu, et fait en quelque sorte sortir l'âme de l'espèce de léthargie dans laquelle elle est plongée lorsqu'elle oublie ses devoirs envers son Créateur. Dite avec foi, elle provoque chez ceux qui l'entendent le désir d'imiter ceux qui prient, car l'exemple et la parole portent aussi des fluides magnétiques d'une très grande force. Celles qui furent dites sur le navire naufragé, par le prêtre, avec l'accent de la conviction la plus touchante et de la résignation la plus sainte, ont touché le cœur de tous ces malheureux qui croyaient leur dernière heure arrivée.
Quant à cet homme qui voulait se suicider en face d'une mort certaine, cette idée lui est venue d'une répulsion instinctive pour l'eau, car c'est la troisième fois qu'il meurt de cette manière, et il a supporté en quelques instants les plus horribles angoisses. A ce moment, il a eu l'intuition de tous ses malheurs passés, qui se sont retracés vaguement à son esprit : c'est pourquoi il voulait finir différemment. Deux fois il s'était noyé volontairement, et avait entraîné toute sa famille avec lui. L'impression confuse qui lui était restée des souffrances qu'il avait endurées lui donnait l'appréhension de ce genre de mort.
Priez pour ces malheureux, mes bons amis ; la prière de plusieurs personnes forme un faisceau qui soutient et fortifie l'âme pour laquelle elle est faite ; elle lui donne la force et la résignation.
Saint Benoît (méd., Mad. Delanne).
II
Il n'est pas rare de voir des gens qui, depuis longtemps, n'avaient pensé à prier, le faire lorsqu'ils sont menacés d'un danger imminent et terrible. D'où peut donc venir cette propension instinctive à se rapprocher de Dieu dans les moments critiques ? De ce même penchant qui porte à s'approcher de quelqu'un qu'on sait pouvoir nous défendre quand on est dans un grand péril. Alors les douces croyances des premières années, les sages instructions, les pieux conseils des parents, reviennent comme un rêve à la mémoire de ces hommes tremblants qui naguère trouvaient Dieu trop loin d'eux, ou niaient l'utilité de son existence. Ces esprits forts, devenus pusillanimes, ressentent d'autant plus les angoisses de la mort, que longtemps ils n'ont cru à rien ; ils n'avaient pas besoin de Dieu, pensaient-ils, et pouvaient se suffire. Dieu, pour leur faire sentir l'utilité de son existence, a permis qu'ils fussent exposés à une fin terrible, sans l'espoir d'être aidés par aucun secours humain. Ils se rappellent alors qu'autrefois ils ont prié, et que la prière dissipe les tristesses, fait supporter les souffrances avec courage, et adoucit les derniers moments de l'agonisant.
Tout cela lui apparaît, à cet homme en danger ; tout cela l'incite à prier de nouveau Celui qu'il a prié dans son enfance. Il se soumet alors, et prie Dieu du plus profond de son cœur, avec une foi vive qui tient d'une sorte de désespoir, de lui pardonner ses égarements passés. A cette heure suprême il ne pense plus à toutes les vaines dissertations sur l'existence de Dieu, car il ne la met plus en doute. En ce moment il croit, et c'est là une preuve que la prière est un besoin de l'âme ; que, fût-elle sans autre résultat, elle la soulagerait du moins et devrait, pour cela même, être répétée plus souvent ; mais heureusement elle a une action plus positive, et il est reconnu, ainsi que cela vous a été démontré, que la prière a pour tous une immense utilité : pour ceux qui la font, comme pour ceux à qui elle s'applique.
Ce que j'ai dit n'est vrai que du plus grand nombre ; car, hélas ! il en est qui ne recouvrent pas ainsi la foi à leur heure dernière ; qui, le vide dans l'âme, vont être, croient-ils, abîmés dans le néant et, par une sorte de frénésie, veulent s'y précipiter eux-mêmes. Ceux-là sont les plus malheureux, et vous qui savez toute l'utilité et tous les effets de la prière, priez surtout pour eux.
André (méd., M. Charles B.)
« … Au même instant, un craquement terrible, indéfinissable, se fait entendre, accompagné de secousses si violentes, que je tombai par terre ; puis j'entends un matelot qui crie : « Mon Dieu ! nous sommes perdus ; priez pour nous ! » Nous venions de toucher le rocher, et le navire s'entrouvrait ; l'eau entrait dans la cale, on l'entendait bouillonner. Les soldats, qui couchaient sur le pont, se sauvent pêle-mêle, n'importe où, en poussant des cris affreux ; les passagers, à demi-nus, s'élancent hors des cabines ; les pauvres femmes s'accrochaient à tout le monde, en suppliant qu'on les sauvât. On priait le bon Dieu tout haut ; on se disait adieu. Un négociant arme un pistolet et veut se brûler la cervelle : on lui arrache son arme.
Les secousses continuaient ; la cloche du bord sonnait le tocsin, mais le vent mugissait si affreusement, que la cloche n'était point entendue à cinquante mètres. C'étaient des cris, des hurlements, des prières ; c'était je ne sais quoi d'affreux, de lugubre, d'épouvantable. Jamais je n'ai rien vu, jamais je n'ai rien lu de scène aussi horrible, aussi poignante. Être là, plein de vie, de santé, et en face d'une mort que l'on croit certaine, et une mort affreuse !
En ce moment suprême et indescriptible, le vicaire, M. Moisset, nous donna à tous sa bénédiction. La voix pleine de larmes de ce pauvre prêtre, recommandant à Dieu deux cent cinquante malheureux que la mer allait engloutir, remuait toutes les entrailles. »
N'y a-t-il pas un grand enseignement dans cette spontanéité de la prière en face d'un péril imminent ? Parmi cette foule entassée sur le navire, il y avait certes des incrédules qui ne songeaient guère auparavant ni à Dieu ni à leur âme, et voilà qu'en présence d'une mort qu'ils croient certaine, ils tournent leurs regards vers l'Être Suprême, comme vers leur unique planche de salut. C'est qu'au moment où l'on entend sonner la dernière heure, involontairement le cœur le plus endurci se demande ce qu'il va devenir. Le malade, dans son lit, espère jusqu'au dernier moment, c'est pourquoi il brave toute puissance surhumaine, et quand la mort le frappe, le plus souvent il a déjà perdu la conscience de lui-même. Sur un champ de bataille, il y a une surexcitation qui fait oublier le danger ; et puis tout le monde n'est pas atteint, et l'on a une chance d'échapper ; mais au milieu de l'Océan, quand on voit s'engloutir son navire, on n'espère plus qu'en un secours de cette Providence que l'on avait oubliée, et à laquelle l'athée est tout prêt à demander un miracle. Mais, hélas ! le danger passé, combien y en a-t-il qui en rendent grâce au hasard et à leur bonne chance, ingratitude que tôt ou tard ils payeront chèrement. (Évangile selon le Spiritisme, ch. xxvii, n° 8.)
En pareille circonstance, quelle est la pensée du Spirite sincère ? « je sais, dit-il, que je dois m'efforcer de conserver ma vie corporelle ; je ferai donc tout ce qui est en mon pouvoir pour échapper au danger, car, si je m'y abandonnais volontairement, ce serait un suicide ; mais s'il plait à Dieu de me la retirer, qu'importe que ce soit d'une manière ou d'une autre, un peu plus tôt ou un peu plus tard ! La mort n'a pour moi aucune appréhension, parce que je sais que le corps seul meurt, et que c'est l'entrée de la véritable vie, de celle de l'Esprit libre, où je retrouverai tous ceux qui me sont chers. » Il entrevoit, par la pensée, le monde spirituel, but de ses aspirations, dont quelques instants seulement le séparent encore, et dont la mort de son corps, qui le retenait sur la terre, va enfin lui ouvrir l'accès ; il s'en réjouit au lieu de s'en affliger, comme le prisonnier qui voit s'ouvrir les portes de sa prison. Une seule chose l'attriste, c'est de quitter ceux qu'il aime ; mais il s'en console par la certitude qu'il ne les abandonnera pas, qu'il sera plus souvent et plus facilement près d'eux que pendant sa vie, qu'il pourra les voir et les protéger. A-t-il, au contraire, échappé au danger, il se dira : « Puisque Dieu me laisse encore vivre sur la terre, c'est que ma tâche ou mes épreuves n'y sont pas achevées. Le danger que j'ai couru est un avertissement que Dieu me donne de me tenir prêt à partir au premier moment, et de faire en sorte que ce soit dans les meilleures conditions possibles. » Puis il le remerciera de ce sursis qui lui est accordé, et s'efforcera de le mettre à profit pour son avancement.
Un des plus curieux épisodes de ce drame est le fait de ce passager qui voulait se brûler la cervelle, se donnant ainsi une mort certaine, tandis qu'en courant les chances du naufrage, il pouvait surgir un secours inespéré. Quel mobile pouvait le porter à cet acte insensé ? Beaucoup diront qu'il avait perdu la tête, ce qui serait possible ; mais peut-être était-il mû, à son insu, par une intuition dont il ne se rendait pas compte. Quoique nous n'ayons aucune preuve matérielle de la véritable explication qui est donnée ci-après, la connaissance des rapports qui subsistent entre les différentes existences lui donne tout au moins un grand degré de probabilité.
Les deux communications suivantes ont été données dans la séance de la Société de Paris du 12 janvier.
I
La prière est le véhicule des fluides spirituels les plus puissants, et qui sont comme un baume salutaire pour les blessures de l'âme et du corps. Elle attire tous les êtres vers Dieu, et fait en quelque sorte sortir l'âme de l'espèce de léthargie dans laquelle elle est plongée lorsqu'elle oublie ses devoirs envers son Créateur. Dite avec foi, elle provoque chez ceux qui l'entendent le désir d'imiter ceux qui prient, car l'exemple et la parole portent aussi des fluides magnétiques d'une très grande force. Celles qui furent dites sur le navire naufragé, par le prêtre, avec l'accent de la conviction la plus touchante et de la résignation la plus sainte, ont touché le cœur de tous ces malheureux qui croyaient leur dernière heure arrivée.
Quant à cet homme qui voulait se suicider en face d'une mort certaine, cette idée lui est venue d'une répulsion instinctive pour l'eau, car c'est la troisième fois qu'il meurt de cette manière, et il a supporté en quelques instants les plus horribles angoisses. A ce moment, il a eu l'intuition de tous ses malheurs passés, qui se sont retracés vaguement à son esprit : c'est pourquoi il voulait finir différemment. Deux fois il s'était noyé volontairement, et avait entraîné toute sa famille avec lui. L'impression confuse qui lui était restée des souffrances qu'il avait endurées lui donnait l'appréhension de ce genre de mort.
Priez pour ces malheureux, mes bons amis ; la prière de plusieurs personnes forme un faisceau qui soutient et fortifie l'âme pour laquelle elle est faite ; elle lui donne la force et la résignation.
Saint Benoît (méd., Mad. Delanne).
II
Il n'est pas rare de voir des gens qui, depuis longtemps, n'avaient pensé à prier, le faire lorsqu'ils sont menacés d'un danger imminent et terrible. D'où peut donc venir cette propension instinctive à se rapprocher de Dieu dans les moments critiques ? De ce même penchant qui porte à s'approcher de quelqu'un qu'on sait pouvoir nous défendre quand on est dans un grand péril. Alors les douces croyances des premières années, les sages instructions, les pieux conseils des parents, reviennent comme un rêve à la mémoire de ces hommes tremblants qui naguère trouvaient Dieu trop loin d'eux, ou niaient l'utilité de son existence. Ces esprits forts, devenus pusillanimes, ressentent d'autant plus les angoisses de la mort, que longtemps ils n'ont cru à rien ; ils n'avaient pas besoin de Dieu, pensaient-ils, et pouvaient se suffire. Dieu, pour leur faire sentir l'utilité de son existence, a permis qu'ils fussent exposés à une fin terrible, sans l'espoir d'être aidés par aucun secours humain. Ils se rappellent alors qu'autrefois ils ont prié, et que la prière dissipe les tristesses, fait supporter les souffrances avec courage, et adoucit les derniers moments de l'agonisant.
Tout cela lui apparaît, à cet homme en danger ; tout cela l'incite à prier de nouveau Celui qu'il a prié dans son enfance. Il se soumet alors, et prie Dieu du plus profond de son cœur, avec une foi vive qui tient d'une sorte de désespoir, de lui pardonner ses égarements passés. A cette heure suprême il ne pense plus à toutes les vaines dissertations sur l'existence de Dieu, car il ne la met plus en doute. En ce moment il croit, et c'est là une preuve que la prière est un besoin de l'âme ; que, fût-elle sans autre résultat, elle la soulagerait du moins et devrait, pour cela même, être répétée plus souvent ; mais heureusement elle a une action plus positive, et il est reconnu, ainsi que cela vous a été démontré, que la prière a pour tous une immense utilité : pour ceux qui la font, comme pour ceux à qui elle s'applique.
Ce que j'ai dit n'est vrai que du plus grand nombre ; car, hélas ! il en est qui ne recouvrent pas ainsi la foi à leur heure dernière ; qui, le vide dans l'âme, vont être, croient-ils, abîmés dans le néant et, par une sorte de frénésie, veulent s'y précipiter eux-mêmes. Ceux-là sont les plus malheureux, et vous qui savez toute l'utilité et tous les effets de la prière, priez surtout pour eux.
André (méd., M. Charles B.)
Anthropophagie
On lit dans le Siècle du 26 décembre
1865 :
« L'amirauté anglaise vient d'adresser aux villes maritimes qui font des armements pour l'Océanie une circulaire dans laquelle elle annonce que, depuis quelque temps, on remarque parmi les habitants des îles du grand Océan un redoublement d'anthropophagie. Dans cette circulaire, elle engage les capitaines des navires du commerce à prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter que leurs équipages ne soient victimes de cette affreuse coutume.
Depuis environ un an, les équipages de quatre navires ont été dévorés par les anthropophages des Nouvelles-Hébrides, de la baie le Jervis ou de la Nouvelle-Calédonie, et toutes les mesures doivent être prises pour éviter le renouvellement d'aussi cruels malheurs. »
Voici comment le journal le Monde explique cette recrudescence de l'anthropophagie :
« Nous avons eu le choléra, l'épizootie, la petite vérole ; les légumes, les animaux sont malades. Voici une épidémie plus douloureuse encore, que l'amirauté anglaise nous fait connaître : les sauvages de l'Océanie redoublent, dit-on, d'anthropophagie. Plusieurs faits horribles sont parvenus à la connaissance des lords de l'amirauté. Les équipages de plusieurs navires anglais ont disparu. Nul doute que nos autorités maritimes ne prennent aussi des mesures, car deux navires français ont été attaqués, les équipages pris et dévorés par les sauvages. L'esprit s'arrête devant ces horreurs, dont tous les efforts de notre civilisation n'ont pu triompher. Qui sait d'où viennent ces criminelles inspirations ?
Quel mot d'ordre a été donné à tous ces païens disséminés sur des centaines et des milliers d'îles dans les immensités de la mer du Sud ? Leur passion monstrueuse, un moment apaisée, reparaît au point d'appeler la répression, d'inquiéter les puissances de la terre. Il est de ces problèmes dont le dogme catholique seul peut donner la solution. L'esprit des ténèbres agit à de certains moments en toute liberté. Avant des événements graves, il s'agite, il pousse ses créatures, il les soutient et les inspire. De grands événements se préparent. La révolution croit l'heure venue de procéder au couronnement de l'édifice ; elle se recueille pour la lutte suprême ; elle s'attaque à la clef de voûte de la société chrétienne. L'heure est grave, et il semble que la nature entière en pressent et en prévoit la gravité. »
Nous nous étonnons de ne pas voir, parmi les causes de ce redoublement de férocité chez les sauvages, figurer le Spiritisme, ce bouc émissaire de tous les maux de l'humanité, comme le fut jadis le Christianisme à Rome. Il y est peut-être implicitement compris, comme étant, selon quelques-uns, l'œuvre de l'Esprit des ténèbres. « Le dogme catholique, dit le Monde, peut seul donner l'explication de ce problème. » Nous ne voyons pas que l'explication qu'il en donne soit très claire, ni ce que l'esprit révolutionnaire de l'Europe a de commun avec ces barbares. Nous trouvons même dans ce dogme une complication de la difficulté.
Les anthropophages sont des hommes : personne n'en a jamais douté. Or, le dogme catholique n'admettant pas la préexistence de l'âme, mais la création d'une âme nouvelle à la naissance de chaque corps, il en résulte que Dieu crée là-bas des âmes de mangeurs d'hommes, et ici des âmes capables de devenir des saints. Pourquoi cette différence ? C'est un problème dont l'Église n'a jamais donné la solution, et cependant c'est une clef de voûte essentielle. Selon sa doctrine, la recrudescence de l'anthropophagie ne peut que s'expliquer ainsi : c'est qu'en ce moment il plaît à Dieu de créer un plus grand nombre d'âmes anthropophages ; solution peu satisfaisante, et surtout peu conséquente avec la bonté de Dieu.
La difficulté augmente si l'on considère l'avenir de ces âmes. Que deviennent-elles après la mort ? Sont-elles traitées à l'égal de celles qui ont la conscience du bien et du mal ? Cela ne serait ni juste ni rationnel. Avec son dogme, l'Église, au lieu d'expliquer, est dans une impasse d'où elle ne peut sortir que par la constante fin de non recevoir du mystère, qu'il ne faut pas chercher à comprendre, sorte de non possumus qui coupe court aux questions embarrassantes.
Eh bien ! ce problème que l'Église ne peut résoudre, le Spiritisme en trouve la solution la plus simple et la plus rationnelle dans la loi de la pluralité des existences, à laquelle tous les êtres sont soumis, et en vertu de laquelle ils progressent. Les âmes des anthropophages sont ainsi des âmes rapprochées de leur origine, dont les facultés intellectuelles et morales sont encore obtuses et peu développées, et en qui, par cela même, dominent les instincts de la brute.
Mais ces âmes ne sont pas destinées à rester perpétuellement dans cet état inférieur, qui les priverait à jamais du bonheur des âmes plus avancées ; elles croissent en raison ; elles s'éclairent, s'épurent, s'améliorent, s'instruisent dans des existences successives. Elles revivent dans les races sauvages, tant qu'elles n'ont pas dépassé les limites de la sauvagerie. Arrivées à un certain degré, elles quittent ce milieu pour s'incarner dans une race un peu plus avancée ; de celle-ci dans une autre, et ainsi de suite, elles montent en grade en raison des mérites qu'elles acquièrent et des imperfections dont elles se dépouillent, jusqu'à ce qu'elles aient atteint le degré de perfection dont est susceptible la créature. La voie du progrès n'est fermée à aucune ; de telle sorte que l'âme la plus arriérée peut prétendre à la suprême félicité. Mais les unes, en vertu de leur litre arbitre, qui est l'apanage de l'humanité, travaillent avec ardeur à leur épuration, à leur instruction, à se dépouiller des instincts matériels et des langes de leur origine, parce qu'à chaque pas qu'elles font vers la perfection elles voient plus clair, comprennent mieux et sont plus heureuses ; celles-là avancent plus promptement, jouissent plus tôt : c'est là leur récompense. D'autres, toujours en vertu de leur libre arbitre, s'attardent en chemin, comme des écoliers paresseux et de mauvaise volonté, ou comme des ouvriers négligents ; elles arrivent plus tard, souffrent plus longtemps : c'est là leur punition, ou, si l'on veut, leur enfer. Ainsi se confirme, par la pluralité des existences progressives, l'admirable loi d'unité et de justice qui caractérise toutes les œuvres de la création. Comparez cette doctrine à celle de l'Église sur le passé et l'avenir des âmes, et voyez celle qui est la plus rationnelle, la plus conforme à la justice divine, et qui explique le mieux les inégalités sociales.
L'anthropophagie est assurément un des plus bas degrés de l'échelle humaine sur la terre, car le sauvage qui ne mange pas son semblable est déjà en progrès. Mais d'où vient la recrudescence de cet instinct bestial ? Il est à remarquer d'abord qu'elle n'est que locale, et qu'en somme, le cannibalisme a disparu en grande partie de la terre. Elle est inexplicable sans la connaissance du monde invisible, et de ses rapports avec le monde visible. Par les morts et par les naissances, ils s'alimentent l'un l'autre, se déversent incessamment l'un dans l'autre. Or, des hommes imparfaits ne peuvent fournir au monde invisible des âmes parfaites, et des âmes mauvaises, en s'incarnant, ne peuvent faire que des hommes méchants. Lorsque des catastrophes, des fléaux, emportent à la fois un grand nombre d'hommes, c'est une arrivée en masse d'âmes dans le monde des Esprits. Ces mêmes âmes devant revivre, en vertu de la loi de nature, et pour leur avancement, des circonstances peuvent également les ramener en masses sur la terre.
Le phénomène dont il s'agit tient donc simplement à l'incarnation accidentelle, dans les milieux infimes, d'un plus grand nombre d'âmes arriérées, et non à la malice de Satan, ni au mot d'ordre donné aux peuplades de l'Océanie. En aidant au développement du sens moral de ces âmes, pendant leur séjour terrestre, et c'est la mission des hommes civilisés, on les améliore ; et quand elles reprendront une nouvelle existence corporelle pour avancer encore, elles feront des hommes moins mauvais qu'ils n'étaient, plus éclairés, aux instincts moins féroces, parce que le progrès acquis ne se perd jamais. C'est ainsi que s'accomplit graduellement le progrès de l'humanité.
Le Monde est dans le vrai, en disant que de grands événements se préparent. Oui, une transformation s'élabore dans l'humanité. Déjà les premiers tressaillements de l'enfantement se font sentir ; le monde corporel et le monde spirituel s'agitent, car c'est la lutte entre ce qui finit et ce qui commence. Au profit de qui sera cette transformation ? Le progrès étant la loi providentielle de l'humanité, elle ne peut avoir lieu qu'au profit du progrès. Mais les grands enfantements sont laborieux ; ce n'est pas sans secousses et sans de larges déchirements au sol, qu'on extirpe des terrains à défricher les mauvaises herbes qui ont de longues et profondes racines.
« L'amirauté anglaise vient d'adresser aux villes maritimes qui font des armements pour l'Océanie une circulaire dans laquelle elle annonce que, depuis quelque temps, on remarque parmi les habitants des îles du grand Océan un redoublement d'anthropophagie. Dans cette circulaire, elle engage les capitaines des navires du commerce à prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter que leurs équipages ne soient victimes de cette affreuse coutume.
Depuis environ un an, les équipages de quatre navires ont été dévorés par les anthropophages des Nouvelles-Hébrides, de la baie le Jervis ou de la Nouvelle-Calédonie, et toutes les mesures doivent être prises pour éviter le renouvellement d'aussi cruels malheurs. »
Voici comment le journal le Monde explique cette recrudescence de l'anthropophagie :
« Nous avons eu le choléra, l'épizootie, la petite vérole ; les légumes, les animaux sont malades. Voici une épidémie plus douloureuse encore, que l'amirauté anglaise nous fait connaître : les sauvages de l'Océanie redoublent, dit-on, d'anthropophagie. Plusieurs faits horribles sont parvenus à la connaissance des lords de l'amirauté. Les équipages de plusieurs navires anglais ont disparu. Nul doute que nos autorités maritimes ne prennent aussi des mesures, car deux navires français ont été attaqués, les équipages pris et dévorés par les sauvages. L'esprit s'arrête devant ces horreurs, dont tous les efforts de notre civilisation n'ont pu triompher. Qui sait d'où viennent ces criminelles inspirations ?
Quel mot d'ordre a été donné à tous ces païens disséminés sur des centaines et des milliers d'îles dans les immensités de la mer du Sud ? Leur passion monstrueuse, un moment apaisée, reparaît au point d'appeler la répression, d'inquiéter les puissances de la terre. Il est de ces problèmes dont le dogme catholique seul peut donner la solution. L'esprit des ténèbres agit à de certains moments en toute liberté. Avant des événements graves, il s'agite, il pousse ses créatures, il les soutient et les inspire. De grands événements se préparent. La révolution croit l'heure venue de procéder au couronnement de l'édifice ; elle se recueille pour la lutte suprême ; elle s'attaque à la clef de voûte de la société chrétienne. L'heure est grave, et il semble que la nature entière en pressent et en prévoit la gravité. »
Nous nous étonnons de ne pas voir, parmi les causes de ce redoublement de férocité chez les sauvages, figurer le Spiritisme, ce bouc émissaire de tous les maux de l'humanité, comme le fut jadis le Christianisme à Rome. Il y est peut-être implicitement compris, comme étant, selon quelques-uns, l'œuvre de l'Esprit des ténèbres. « Le dogme catholique, dit le Monde, peut seul donner l'explication de ce problème. » Nous ne voyons pas que l'explication qu'il en donne soit très claire, ni ce que l'esprit révolutionnaire de l'Europe a de commun avec ces barbares. Nous trouvons même dans ce dogme une complication de la difficulté.
Les anthropophages sont des hommes : personne n'en a jamais douté. Or, le dogme catholique n'admettant pas la préexistence de l'âme, mais la création d'une âme nouvelle à la naissance de chaque corps, il en résulte que Dieu crée là-bas des âmes de mangeurs d'hommes, et ici des âmes capables de devenir des saints. Pourquoi cette différence ? C'est un problème dont l'Église n'a jamais donné la solution, et cependant c'est une clef de voûte essentielle. Selon sa doctrine, la recrudescence de l'anthropophagie ne peut que s'expliquer ainsi : c'est qu'en ce moment il plaît à Dieu de créer un plus grand nombre d'âmes anthropophages ; solution peu satisfaisante, et surtout peu conséquente avec la bonté de Dieu.
La difficulté augmente si l'on considère l'avenir de ces âmes. Que deviennent-elles après la mort ? Sont-elles traitées à l'égal de celles qui ont la conscience du bien et du mal ? Cela ne serait ni juste ni rationnel. Avec son dogme, l'Église, au lieu d'expliquer, est dans une impasse d'où elle ne peut sortir que par la constante fin de non recevoir du mystère, qu'il ne faut pas chercher à comprendre, sorte de non possumus qui coupe court aux questions embarrassantes.
Eh bien ! ce problème que l'Église ne peut résoudre, le Spiritisme en trouve la solution la plus simple et la plus rationnelle dans la loi de la pluralité des existences, à laquelle tous les êtres sont soumis, et en vertu de laquelle ils progressent. Les âmes des anthropophages sont ainsi des âmes rapprochées de leur origine, dont les facultés intellectuelles et morales sont encore obtuses et peu développées, et en qui, par cela même, dominent les instincts de la brute.
Mais ces âmes ne sont pas destinées à rester perpétuellement dans cet état inférieur, qui les priverait à jamais du bonheur des âmes plus avancées ; elles croissent en raison ; elles s'éclairent, s'épurent, s'améliorent, s'instruisent dans des existences successives. Elles revivent dans les races sauvages, tant qu'elles n'ont pas dépassé les limites de la sauvagerie. Arrivées à un certain degré, elles quittent ce milieu pour s'incarner dans une race un peu plus avancée ; de celle-ci dans une autre, et ainsi de suite, elles montent en grade en raison des mérites qu'elles acquièrent et des imperfections dont elles se dépouillent, jusqu'à ce qu'elles aient atteint le degré de perfection dont est susceptible la créature. La voie du progrès n'est fermée à aucune ; de telle sorte que l'âme la plus arriérée peut prétendre à la suprême félicité. Mais les unes, en vertu de leur litre arbitre, qui est l'apanage de l'humanité, travaillent avec ardeur à leur épuration, à leur instruction, à se dépouiller des instincts matériels et des langes de leur origine, parce qu'à chaque pas qu'elles font vers la perfection elles voient plus clair, comprennent mieux et sont plus heureuses ; celles-là avancent plus promptement, jouissent plus tôt : c'est là leur récompense. D'autres, toujours en vertu de leur libre arbitre, s'attardent en chemin, comme des écoliers paresseux et de mauvaise volonté, ou comme des ouvriers négligents ; elles arrivent plus tard, souffrent plus longtemps : c'est là leur punition, ou, si l'on veut, leur enfer. Ainsi se confirme, par la pluralité des existences progressives, l'admirable loi d'unité et de justice qui caractérise toutes les œuvres de la création. Comparez cette doctrine à celle de l'Église sur le passé et l'avenir des âmes, et voyez celle qui est la plus rationnelle, la plus conforme à la justice divine, et qui explique le mieux les inégalités sociales.
L'anthropophagie est assurément un des plus bas degrés de l'échelle humaine sur la terre, car le sauvage qui ne mange pas son semblable est déjà en progrès. Mais d'où vient la recrudescence de cet instinct bestial ? Il est à remarquer d'abord qu'elle n'est que locale, et qu'en somme, le cannibalisme a disparu en grande partie de la terre. Elle est inexplicable sans la connaissance du monde invisible, et de ses rapports avec le monde visible. Par les morts et par les naissances, ils s'alimentent l'un l'autre, se déversent incessamment l'un dans l'autre. Or, des hommes imparfaits ne peuvent fournir au monde invisible des âmes parfaites, et des âmes mauvaises, en s'incarnant, ne peuvent faire que des hommes méchants. Lorsque des catastrophes, des fléaux, emportent à la fois un grand nombre d'hommes, c'est une arrivée en masse d'âmes dans le monde des Esprits. Ces mêmes âmes devant revivre, en vertu de la loi de nature, et pour leur avancement, des circonstances peuvent également les ramener en masses sur la terre.
Le phénomène dont il s'agit tient donc simplement à l'incarnation accidentelle, dans les milieux infimes, d'un plus grand nombre d'âmes arriérées, et non à la malice de Satan, ni au mot d'ordre donné aux peuplades de l'Océanie. En aidant au développement du sens moral de ces âmes, pendant leur séjour terrestre, et c'est la mission des hommes civilisés, on les améliore ; et quand elles reprendront une nouvelle existence corporelle pour avancer encore, elles feront des hommes moins mauvais qu'ils n'étaient, plus éclairés, aux instincts moins féroces, parce que le progrès acquis ne se perd jamais. C'est ainsi que s'accomplit graduellement le progrès de l'humanité.
Le Monde est dans le vrai, en disant que de grands événements se préparent. Oui, une transformation s'élabore dans l'humanité. Déjà les premiers tressaillements de l'enfantement se font sentir ; le monde corporel et le monde spirituel s'agitent, car c'est la lutte entre ce qui finit et ce qui commence. Au profit de qui sera cette transformation ? Le progrès étant la loi providentielle de l'humanité, elle ne peut avoir lieu qu'au profit du progrès. Mais les grands enfantements sont laborieux ; ce n'est pas sans secousses et sans de larges déchirements au sol, qu'on extirpe des terrains à défricher les mauvaises herbes qui ont de longues et profondes racines.
L'épinette d'Henry III
Le fait ci-après est une suite de
l'intéressante histoire de l'Air et paroles du roy Henry III, rapportée dans la
Revue de juillet 1865, page 193. Depuis lors, M. Bach est devenu médium
écrivain, mais il pratique peu, à cause de la fatigue qui en résulte pour lui.
Il ne le fait que lorsqu'il y est incité par une force invisible, qui se
traduit par une vive agitation et un tremblement de la main, car alors la
résistance est plus pénible que l'exercice. Il est mécanique, dans le sens le
plus absolu du mot, n'ayant ni conscience ni souvenir de ce qu'il écrit. Un
jour qu'il se trouvait dans cette disposition, il écrivit le quatrain
suivant :
Le roy Henry donne cette grande espinette
A Baldazzarini, très-bon musicien.
Si elle n'est bonne ou pas assez coquette
Pour souvenir, du moins, qu'il la conserve bien.
L'explication de ces vers, qui, pour M. Bach, n'avaient pas de sens, lui fut donnée en prose.
« Le roy Henry mon maître, qui m'a donné l'espinette que tu possèdes, avait écrit un quatrain sur un morceau de parchemin qu'il avait fait clouer sur l'étui, et me l'envoya un matin. Quelques années plus tard, ayant un voyage à faire, et craignant, puisque j'emportais mon espinette avec moi pour faire de la musique, que le parchemin ne fût arraché et perdu, je l'ai enlevé, et, pour ne pas le perdre, je l'ai mis dans une petite niche, à gauche du clavier, où il est encore. »
L'épinette est l'origine des pianos actuels dans leur plus grande simplicité, et se jouait de la même manière ; c'était un petit clavecin à quatre octaves, d'environ un mètre et demi de long sur quarante centimètres de large, et sans pieds. Les cordes, à l'intérieur, étaient disposées comme dans les pianos, et frappées à l'aide de touches. On le transportait à volonté en l'enfermant dans un étui, comme on fait pour les basses et les violoncelles. Pour s'en servir, on le posait sur une table ou sur un X mobile.
L'instrument était alors à l'exposition du musée rétrospectif, aux Champs-Élysées, où il n'était pas possible de faire la recherche indiquée. Lorsqu'il lui fut rapporté, M. Bach, de concert avec son fils, s'empressa d'en fureter tous les recoins, mais inutilement, de sorte qu'il crut d'abord à une mystification. Néanmoins, pour n'avoir rien à se reprocher, il le démonta complètement, et découvrit, à gauche du clavier, entre deux planchettes, un intervalle si étroit, qu'on n'y pouvait introduire la main. Il fouilla ce réduit, plein de poussière et de toiles d'araignées, et en retira un morceau de parchemin plié, noirci par le temps, long de trente et un centimètres sur sept et demi de large, sur lequel était écrit le quatrain suivant, en assez gros caractères de l'époque :
Moy le Roy Henry trois octroys cette espinette
A Baltasarini, mon gay musicien,
Mais sis dit mal soñe, ou bien ma moult simplette
Lors pour mon souvenir dans lestuy garde bien.
Henry.
Ce parchemin est percé aux quatre coins de trous qui sont évidemment ceux des clous ayant servi à le fixer sur la boîte. Il porte en outre, sur les bords, une multitude de trous alignés et régulièrement espacés, qui paraissent avoir été faits par de très petits clous. Il a été exposé dans la salle des séances de la Société, et nous avons eu tout le loisir de l'examiner, ainsi que l'épinette, sur laquelle M. Bach nous a fait entendre l'air et les paroles dont nous avons rendu compte, et qui lui ont été, comme on le sait, révélés en songe.
Les premiers vers dictés reproduisaient, comme on le voit, la même pensée que ceux du parchemin, dont ils sont la traduction en langage moderne, et cela avant que ceux-ci ne fussent découverts.
Le troisième vers est obscur, et contient surtout le mot ma qui semble n'avoir aucun sens, et ne point se lier à l'idée principale, et qui, dans l'original, est entouré d'un filet en carré ; nous en avions inutilement cherché l'explication, et M. Bach lui-même n'en savait pas davantage. Étant un jour chez ce dernier, il eut spontanément, en notre présence, une communication de Baldazzarini, donnée à notre intention et ainsi conçue :
« Amico mio,
Je suis content de toi ; tu as écrit ces vers dans mon espinette ; mon vœu est accompli, je suis tranquille à présent. (Allusion à d'autres vers dictés à M. Bach et que Baldazzarini lui avait dit d'écrire dans l'instrument.) Je veux dire un mot au savant président qui vient te visiter.
O toi, Allan Kardec, dont les travaux utiles
Instruisent chaque jour des spirites nouveaux,
Tu ne nous fais jamais des questions futiles ;
Aussi les bons Esprits éclairent tes travaux.
Mais il te faut lutter contre les ignorants
Qui, sur notre terre, se croyent des savants.
Ne te rebute pas ; la tâche est difficile ;
Pour tout propagateur fût-ce jamais facile ?
Le roy plaisantait mon accent dans ses vers ; je disais toujours ma au lieu de mais. Adio, amico.
Le roy Henry donne cette grande espinette
A Baldazzarini, très-bon musicien.
Si elle n'est bonne ou pas assez coquette
Pour souvenir, du moins, qu'il la conserve bien.
L'explication de ces vers, qui, pour M. Bach, n'avaient pas de sens, lui fut donnée en prose.
« Le roy Henry mon maître, qui m'a donné l'espinette que tu possèdes, avait écrit un quatrain sur un morceau de parchemin qu'il avait fait clouer sur l'étui, et me l'envoya un matin. Quelques années plus tard, ayant un voyage à faire, et craignant, puisque j'emportais mon espinette avec moi pour faire de la musique, que le parchemin ne fût arraché et perdu, je l'ai enlevé, et, pour ne pas le perdre, je l'ai mis dans une petite niche, à gauche du clavier, où il est encore. »
L'épinette est l'origine des pianos actuels dans leur plus grande simplicité, et se jouait de la même manière ; c'était un petit clavecin à quatre octaves, d'environ un mètre et demi de long sur quarante centimètres de large, et sans pieds. Les cordes, à l'intérieur, étaient disposées comme dans les pianos, et frappées à l'aide de touches. On le transportait à volonté en l'enfermant dans un étui, comme on fait pour les basses et les violoncelles. Pour s'en servir, on le posait sur une table ou sur un X mobile.
L'instrument était alors à l'exposition du musée rétrospectif, aux Champs-Élysées, où il n'était pas possible de faire la recherche indiquée. Lorsqu'il lui fut rapporté, M. Bach, de concert avec son fils, s'empressa d'en fureter tous les recoins, mais inutilement, de sorte qu'il crut d'abord à une mystification. Néanmoins, pour n'avoir rien à se reprocher, il le démonta complètement, et découvrit, à gauche du clavier, entre deux planchettes, un intervalle si étroit, qu'on n'y pouvait introduire la main. Il fouilla ce réduit, plein de poussière et de toiles d'araignées, et en retira un morceau de parchemin plié, noirci par le temps, long de trente et un centimètres sur sept et demi de large, sur lequel était écrit le quatrain suivant, en assez gros caractères de l'époque :
Moy le Roy Henry trois octroys cette espinette
A Baltasarini, mon gay musicien,
Mais sis dit mal soñe, ou bien ma moult simplette
Lors pour mon souvenir dans lestuy garde bien.
Henry.
Ce parchemin est percé aux quatre coins de trous qui sont évidemment ceux des clous ayant servi à le fixer sur la boîte. Il porte en outre, sur les bords, une multitude de trous alignés et régulièrement espacés, qui paraissent avoir été faits par de très petits clous. Il a été exposé dans la salle des séances de la Société, et nous avons eu tout le loisir de l'examiner, ainsi que l'épinette, sur laquelle M. Bach nous a fait entendre l'air et les paroles dont nous avons rendu compte, et qui lui ont été, comme on le sait, révélés en songe.
Les premiers vers dictés reproduisaient, comme on le voit, la même pensée que ceux du parchemin, dont ils sont la traduction en langage moderne, et cela avant que ceux-ci ne fussent découverts.
Le troisième vers est obscur, et contient surtout le mot ma qui semble n'avoir aucun sens, et ne point se lier à l'idée principale, et qui, dans l'original, est entouré d'un filet en carré ; nous en avions inutilement cherché l'explication, et M. Bach lui-même n'en savait pas davantage. Étant un jour chez ce dernier, il eut spontanément, en notre présence, une communication de Baldazzarini, donnée à notre intention et ainsi conçue :
« Amico mio,
Je suis content de toi ; tu as écrit ces vers dans mon espinette ; mon vœu est accompli, je suis tranquille à présent. (Allusion à d'autres vers dictés à M. Bach et que Baldazzarini lui avait dit d'écrire dans l'instrument.) Je veux dire un mot au savant président qui vient te visiter.
O toi, Allan Kardec, dont les travaux utiles
Instruisent chaque jour des spirites nouveaux,
Tu ne nous fais jamais des questions futiles ;
Aussi les bons Esprits éclairent tes travaux.
Mais il te faut lutter contre les ignorants
Qui, sur notre terre, se croyent des savants.
Ne te rebute pas ; la tâche est difficile ;
Pour tout propagateur fût-ce jamais facile ?
Le roy plaisantait mon accent dans ses vers ; je disais toujours ma au lieu de mais. Adio, amico.
Baldazzarini. »
Ainsi a été donnée, sans question préalable, l'explication de ce mot ma. C'est le mot italien signifiant mais, intercalé par plaisanterie, par lequel le roi désignait Baldazzarini, qui, comme beaucoup de ceux de sa nation, le prononçait souvent. Ainsi le roi, en donnant cette épinette à son musicien, lui dit : Si elle n'est pas bonne, si elle sonne mal, ou si ma (Baldazzarini) la trouve trop simple, de trop peu de valeur, qu'il la garde dans son étui, en souvenir de moi. Le mot ma est entouré d'un filet, comme un mot entre parenthèses. Nous aurions, certes, longtemps cherché cette explication, qui ne pouvait être le reflet de la pensée de M. Bach. puisque lui-même n'y comprenait rien. Mais l'Esprit a vu que nous en avions besoin pour compléter notre compte rendu, et il a profité de l'occasion pour nous la donner sans que nous ayons eu la pensée de la lui demander, car, lorsque M. Bach se mit à écrire, nous ignorions, ainsi que lui, quel était l'Esprit qui se communiquait.
Une importante question restait à résoudre, c'était de savoir si l'écriture du parchemin était bien réellement de la main d'Henri III. M. Bach se rendit à la Bibliothèque impériale pour la comparer avec celle des manuscrits originaux. On en trouva d'abord avec lesquels il n'y avait pas une similitude parfaite, mais seulement un même caractère d'écriture. Avec d'autres pièces, l'identité était absolue, tant pour le corps de l'écriture que pour la signature ; cette différence provenait de ce que l'écriture du roi était variable, circonstance qui sera expliquée tout à l'heure.
Il ne pouvait donc rester de doute sur l'authenticité de cette pièce, quoique certaines personnes, qui professent une incrédulité radicale à l'endroit des choses dites surnaturelles, aient prétendu que ce n'était qu'une imitation très exacte. Or nous ferons observer qu'il ne s'agit point ici d'une écriture médianimique donnée par l'Esprit du roi, mais d'un manuscrit original écrit par le roi lui-même, de son vivant ; et qui n'a rien de plus merveilleux que ceux que des circonstances fortuites font chaque jour découvrir. Le merveilleux, si merveilleux il y a, n'est que dans la manière dont son existence a été révélée. Il est bien certain que si M. Bach se fût contenté de dire qu'il l'avait trouvé par hasard dans son instrument, on n'eût élevé aucune objection.
Ces faits avaient été rapportés dans la séance de la Société du 19 janvier 1866, à laquelle assistait M. Bach. M. Morin, membre de la Société, médium somnambule très lucide, et qui, dans son sommeil magnétique, voit parfaitement les Esprits et s'entretient avec eux, assistait à cette séance en état de somnambulisme. Pendant la première partie de la séance, consacrée à des lectures diverses, à la correspondance et au récit des faits, M. Morin, dont on ne s'occupait pas, paraissait en conversation mentale avec des êtres invisibles ; il leur souriait, échangeait avec eux des poignées de main. Lorsque vint son tour de parler, on lui demanda de désigner les Esprits qu'il voyait et de les prier de nous transmettre, par son intermédiaire, ce qu'ils voudraient nous dire pour notre instruction. Il ne lui fut pas adressé une seule question directe. Nous ne mentionnons sommairement que quelques-uns des faits qui se sont passés, pour donner une idée de la physionomie de la séance, et pour en venir au sujet principal qui nous occupe ici.
Vous les nommer tous, dit-il, serait chose impossible, car le nombre en est trop grand ; il y en a d'ailleurs beaucoup que vous ne connaissez pas, et qui viennent pour s'instruire. La plupart voudraient parler, mais ils cèdent la place à ceux qui ont, pour le moment, des choses plus importantes à dire.
Il y a d'abord ici, à côté de nous, notre ancien collègue, le dernier parti pour le monde des Esprits, M. Didier, qui ne manque pas une de nos séances, et que je vois exactement comme de son vivant, avec la même physionomie ; on dirait qu'il est là avec son corps matériel ; seulement il ne tousse plus. Il me fait part de ses impressions, de son opinion sur les choses actuelles, et me charge de vous transmettre ses paroles.
Vint ensuite un jeune homme tout récemment suicidé dans des circonstances exceptionnelles et dont il décrivit la situation, qui présente une phase en quelque sorte nouvelle de l'état de certains suicidés, après la mort, en raison des causes déterminantes du suicide et de la nature de leurs pensées.
Puis vint M. B…, fervent Spirite, mort depuis quelques jours à la suite d'une opération chirurgicale, et qui avait puisé dans sa croyance et dans la prière la force de supporter courageusement et avec résignation ses longues souffrances. « Quelle reconnaissance, dit-il, ne dois-je pas au Spiritisme ! sans lui, j'aurais certainement mis fin à mes tortures, et je serais comme ce malheureux jeune homme que vous venez de voir. La pensée du suicide m'est venue plus d'une fois ; mais chaque fois je l'ai repoussée ; sans cela, que mon sort serait triste ! Aujourd'hui je suis heureux, oh ! bien heureux, et je remercie nos frères qui m'ont assisté de leurs prières pleines de charité. Ah ! si l'on savait quelles douces et salutaires effluves la prière du cœur verse sur les souffrances !
« Mais où donc me conduit-on ? continue le somnambule ; dans un misérable logement ! Il y a là un homme jeune encore qui se meurt de la poitrine…, le dénuement est complet : rien pour se chauffer, rien pour sa nourrir ! Sa femme, épuisée par la fatigue et les privations, ne peut plus travailler… Ah ! dernière et triste ressource !… elle n'a plus de cheveux… elle les a coupés et vendus pour avoir quelques sous !… Combien de jours cela les fera-t-il vivre ?… C'est affreux ! »
Sur la demande qui lui est faite s'il peut indiquer le domicile de ces pauvres gens, il dit : « Attendez ! » Puis il semble écouter ce qu'on lui dit ; il prend un crayon et écrit un nom avec indication de la rue et du numéro. Vérification en ayant été faite dès le lendemain matin, tout fut trouvé parfaitement exact.
Remis de son émotion, et son Esprit revenu au lieu de la séance, il parla encore de plusieurs autres personnes et de diverses choses qui furent pour nos guides spirituels le sujet d'instructions d'une haute portée, et que nous aurons occasion de rapporter une autre fois.
Tout à coup il s'écrie : « Mais il y a ici des Esprits de toutes sortes ! Il y en a qui ont été princes, rois ! En voici un qui s'avance ; il a la figure longue et blême, une barbiche pointue, une espèce de bonnet surmonté d'une flammèche. Il me dit de vous dire :
« Le parchemin dont vous avez parlé et que vous avez sous les yeux a bien été écrit de ma propre main, mais je vous dois à ce sujet une explication.
De mon temps on n'écrivait pas avec autant de facilité qu'aujourd'hui, surtout les hommes dans ma position. Les matériaux étaient moins commodes et moins perfectionnés ; l'écriture était plus lente, plus grosse, plus lourde ; aussi reflétait-elle mieux les impressions de l'âme. Je n'étais pas, vous le savez, d'une humeur égale, et, selon que j'étais en bonne ou mauvaise disposition, mon écriture changeait de caractère. C'est ce qui explique la différence que l'on remarque dans les manuscrits qui restent de moi. Quand j'ai écrit ce parchemin pour mon musicien en lui envoyant l'épinette, j'étais dans un de mes moments de satisfaction. Si vous recherchez dans mes manuscrits ceux dont l'écriture ressemble à celle-ci, vous reconnaîtrez, par le sujet qu'ils traitent, que je devais être dans un de ces bons moments, et vous aurez là une autre preuve d'identité. »
A l'occasion de la découverte de cet écrit, dont le Grand Journal a parlé dans son numéro du 14 janvier, le même journal contient, dans celui du 21 janvier, l'article suivant :
Coulons à fond la question de correspondance, en mentionnant la lettre de madame la comtesse de Martino, relative à l'épinette de M. Bach. Madame la comtesse de Martino est persuadée que le correspondant surnaturel de M. Bach est un imposteur, attendu qu'il devrait signer Baldazzarini et non Baltazarini, ce qui est de l'italien de cuisine. »
Nous ferons remarquer d'abord que cette chicane à propos du l'orthographe d'un nom propre est passablement puérile, et que l'épithète d'imposteur, à défaut du correspondant invisible, auquel madame la comtesse ne croit pas, retombe sur un homme honorable, ce qui n'est pas de fort bon goût. En second lieu, Baldazzarini, simple musicien, espèce de troubadour, pouvait bien ne pas posséder la langue italienne dans sa pureté, à une époque où l'on ne se piquait pas d'instruction. Contesterait-on l'identité d'un Français qui écrirait en français de cuisine, et n'en voit-on pas qui ne savent pas écrire correctement leur propre nom ? Baldazzarini, par son origine, ne devait pas être beaucoup au-dessus de la cuisine. Mais cette critique tombe devant un fait, c'est que les Français, peu familiarisés avec les nuances de l'orthographe italienne, en entendant prononcer ce nom, l'écrivent naturellement à la française. Le roi Henri III lui-même, dans le quatrain retrouvé et cité plus haut, l'écrit simplement Baltasarini, et cependant il n'était pas un cuisinier. Ainsi en a-t-il été de ceux qui ont adressé au Grand Journal le récit du fait en question. Quant au musicien, dans les diverses communications qu'il a dictées à M. Bach et dont nous avons plusieurs originaux entre les mains, il a signé Baldazzarini et quelquefois Baldazzarrini, ainsi qu'on peut s'en convaincre ; la faute n'en est donc point à lui, mais ceux qui, par ignorance, ont francisé son nom, et à nous tout le premier.
Il est vraiment curieux de voir les puérilités auxquelles s'attachent les adversaires du Spiritisme, preuve évidente de la pénurie de bonnes raisons.
Les rats d'Équihen
Un de nos abonnés de Boulogne-sur-Mer nous
mande ce qui suit à la date du 24 décembre 1865 :
« Il y a quelques jours, j'ai appris qu'à Équihen, village de pêcheurs, près Boulogne, chez le sieur L…, très riche fermier, se passaient des faits ayant le caractère des manifestations physiques spontanées, et qui rappellent ceux des Grandes-Ventes, près Dieppe, de Poitiers, de Marseille, etc. Tous les jours, vers sept heures du soir, des coups et des roulements très bruyants se font entendre sur les planchers. Une armoire fermée à clef s'ouvre tout à coup, et le linge qu'elle renferme est jeté au milieu de la chambre ; les lits, surtout celui de la fille de la maison, sont brusquement découverts à plusieurs reprises.
Quoique cette population fût bien loin de s'occuper de Spiritisme, et même de savoir ce que c'est, on pensa que l'auteur de ce vacarme, dont toutes les recherches et la surveillance la plus minutieuse n'avaient pu faire découvrir la cause, pourrait bien être un frère du sieur L…, ancien militaire, mort en Algérie depuis deux ans. Il avait, paraît-il, reçu de ses parents la promesse que, s'il mourait au service, ceux-ci feraient rapporter son corps à Équihen. Cette promesse n'ayant pas reçu son exécution, on supposait que c'était l'Esprit de ce frère, qui venait chaque jour, depuis six semaines, mettre en émoi la maison, et par suite tout le village.
Le clergé s'est ému de ces phénomènes ; quatre curés de la localité et des environs, puis cinq Rédemptoristes et trois ou quatre religieuses, sont venus ; ils ont exorcisé l'Esprit, mais inutilement. Voyant qu'ils ne pouvaient réussir à faire cesser le tapage, ils conseillèrent au sieur L… de partir pour l'Algérie à la recherche du corps de son frère, ce qu'il fit sans désemparer. Avant son départ, ces messieurs firent confesser et communier toute la famille ; ils dirent ensuite qu'il fallait faire dire des messes, surtout une messe chantée, puis des messes basses chaque jour ; la première eut lieu, et les Rédemptoristes furent chargés des autres. Ils firent aux femmes L… la recommandation expresse d'étouffer ces bruits, et de dire à tous ceux qui viendraient s'informer si cela continuait, que tout ce vacarme était occasionné par les rats. Il faut, ajoutèrent-ils, vous garder d'ébruiter ces choses, car ce serait une grave offense envers Dieu, parce qu'il existe une secte qui cherche à détruire la religion ; que si elle apprenait ce qui se passe, elle ne manquerait pas de s'en prévaloir pour lui nuire, ce dont la famille serait responsable devant Dieu ; qu'il était très malheureux que la chose fût déjà si répandue. Dès ce moment, les portes furent barricadées, la barrière de la cour soigneusement fermée à clef, et l'entrée interdite à tous ceux qui venaient chaque soir entendre les bruits. Mais si l'on a mis des clefs aux portes, on n'a pu en mettre à toutes les langues, et les rats ont si bien fait, qu'ils se sont fait entendre à dix lieues à la ronde. De mauvais plaisants ont dit qu'ils avaient bien vu des rats ronger le linge, mais pas encore le lancer à travers les chambres, ni ouvrir des portes fermées à clef ; c'est que, disaient-ils, ce sont probablement des rats d'une nouvelle espèce, importés par quelque navire étranger. Nous attendons avec impatience qu'on les montre au public. »
Le même fait nous est rapporté par deux autres de nos correspondants. Il en ressort une première considération, c'est que ces messieurs du clergé, qui étaient nombreux, et qui avaient intérêt à y découvrir une cause vulgaire, n'auraient pas manqué de la signaler si elle avait existé, et n'auraient pas surtout prescrit le petit mensonge des rats, sous peine d'encourir la disgrâce de Dieu. Ils ont donc reconnu l'intervention d'une puissance occulte. Mais alors pourquoi l'exorcisme est-il toujours impuissant en pareil cas ? A cela, il y a d'abord une première raison péremptoire, c'est que l'exorcisme s'adresse aux démons ; or, les Esprits obsesseurs et tapageurs n'étant pas des démons, mais des êtres humains, l'exorcisme ne va pas à leur adresse. En second lieu, l'exorcisme est un anathème et une menace qui irrite l'Esprit malfaisant, et non une instruction capable de le toucher et de l'amener au bien.
Dans la circonstance présente, ces messieurs ont reconnu que ce pouvait être l'Esprit du frère mort en Algérie ; autrement, ils n'auraient pas conseillé d'aller chercher son corps, afin d'accomplir la promesse qui lui a été faite ; ils n'auraient pas recommandé des messes qui ne pouvaient être dites au profit des démons. Que devient donc la doctrine de ceux qui prétendent que les démons seuls peuvent se manifester, et que ce pouvoir est refusé aux âmes des hommes ? Si un Esprit humain a pu le faire dans le cas dont il s'agit, pourquoi ne le ferait-il pas en d'autres ? Pourquoi un Esprit bon et bienveillant ne se communiquerait-il pas par d'autres moyens que la violence, pour se rappeler au souvenir de ceux qu'il a aimés, ou pour leur donner de sages conseils ?
Il faut être conséquent avec soi-même. Dites carrément, une fois pour toutes, que ce sont toujours les démons, sans exception : on en croira ce qu'on voudra ; ou bien, reconnaissez que les Esprits sont les âmes des hommes, et que dans le nombre, il y en a de bons et de mauvais qui peuvent se communiquer.
Ici se présente une question spéciale au point de vue spirite. Comment des Esprits peuvent-ils tenir à ce que leur corps soit plutôt dans un endroit que dans un autre ? Les Esprits d'une certaine élévation n'y tiennent nullement ; mais les moins avancés ne sont pas tellement détachés de la matière, qu'ils n'attachent encore de l'importance aux choses terrestres, ainsi que le Spiritisme en offre de nombreux exemples. Mais ici l'Esprit peut être sollicité par un autre motif, celui de rappeler à son frère qu'il a manqué à sa promesse, négligence que celui-ci ne pouvait excuser par la gêne, puisqu'il est riche. Il s'était peut-être dit : « Bah ! mon frère est mort, il ne viendra pas faire sa réclamation, et ce sera une grande dépense de moins. » Or, supposons que le frère, fidèle à ses engagements, se fût, dès le principe, rendu en Algérie, mais qu'il eût été dans l'impossibilité de retrouver le corps, ou que, vu la confusion inévitable en temps de guerre, il eût rapporté au village un autre corps que celui de son parent, ce dernier n'en eût pas moins été satisfait, car le devoir moral eût été accompli. Les Esprits nous disent sans cesse : La pensée est tout ; la forme n'est rien, et nous n'y tenons pas.
« Il y a quelques jours, j'ai appris qu'à Équihen, village de pêcheurs, près Boulogne, chez le sieur L…, très riche fermier, se passaient des faits ayant le caractère des manifestations physiques spontanées, et qui rappellent ceux des Grandes-Ventes, près Dieppe, de Poitiers, de Marseille, etc. Tous les jours, vers sept heures du soir, des coups et des roulements très bruyants se font entendre sur les planchers. Une armoire fermée à clef s'ouvre tout à coup, et le linge qu'elle renferme est jeté au milieu de la chambre ; les lits, surtout celui de la fille de la maison, sont brusquement découverts à plusieurs reprises.
Quoique cette population fût bien loin de s'occuper de Spiritisme, et même de savoir ce que c'est, on pensa que l'auteur de ce vacarme, dont toutes les recherches et la surveillance la plus minutieuse n'avaient pu faire découvrir la cause, pourrait bien être un frère du sieur L…, ancien militaire, mort en Algérie depuis deux ans. Il avait, paraît-il, reçu de ses parents la promesse que, s'il mourait au service, ceux-ci feraient rapporter son corps à Équihen. Cette promesse n'ayant pas reçu son exécution, on supposait que c'était l'Esprit de ce frère, qui venait chaque jour, depuis six semaines, mettre en émoi la maison, et par suite tout le village.
Le clergé s'est ému de ces phénomènes ; quatre curés de la localité et des environs, puis cinq Rédemptoristes et trois ou quatre religieuses, sont venus ; ils ont exorcisé l'Esprit, mais inutilement. Voyant qu'ils ne pouvaient réussir à faire cesser le tapage, ils conseillèrent au sieur L… de partir pour l'Algérie à la recherche du corps de son frère, ce qu'il fit sans désemparer. Avant son départ, ces messieurs firent confesser et communier toute la famille ; ils dirent ensuite qu'il fallait faire dire des messes, surtout une messe chantée, puis des messes basses chaque jour ; la première eut lieu, et les Rédemptoristes furent chargés des autres. Ils firent aux femmes L… la recommandation expresse d'étouffer ces bruits, et de dire à tous ceux qui viendraient s'informer si cela continuait, que tout ce vacarme était occasionné par les rats. Il faut, ajoutèrent-ils, vous garder d'ébruiter ces choses, car ce serait une grave offense envers Dieu, parce qu'il existe une secte qui cherche à détruire la religion ; que si elle apprenait ce qui se passe, elle ne manquerait pas de s'en prévaloir pour lui nuire, ce dont la famille serait responsable devant Dieu ; qu'il était très malheureux que la chose fût déjà si répandue. Dès ce moment, les portes furent barricadées, la barrière de la cour soigneusement fermée à clef, et l'entrée interdite à tous ceux qui venaient chaque soir entendre les bruits. Mais si l'on a mis des clefs aux portes, on n'a pu en mettre à toutes les langues, et les rats ont si bien fait, qu'ils se sont fait entendre à dix lieues à la ronde. De mauvais plaisants ont dit qu'ils avaient bien vu des rats ronger le linge, mais pas encore le lancer à travers les chambres, ni ouvrir des portes fermées à clef ; c'est que, disaient-ils, ce sont probablement des rats d'une nouvelle espèce, importés par quelque navire étranger. Nous attendons avec impatience qu'on les montre au public. »
Le même fait nous est rapporté par deux autres de nos correspondants. Il en ressort une première considération, c'est que ces messieurs du clergé, qui étaient nombreux, et qui avaient intérêt à y découvrir une cause vulgaire, n'auraient pas manqué de la signaler si elle avait existé, et n'auraient pas surtout prescrit le petit mensonge des rats, sous peine d'encourir la disgrâce de Dieu. Ils ont donc reconnu l'intervention d'une puissance occulte. Mais alors pourquoi l'exorcisme est-il toujours impuissant en pareil cas ? A cela, il y a d'abord une première raison péremptoire, c'est que l'exorcisme s'adresse aux démons ; or, les Esprits obsesseurs et tapageurs n'étant pas des démons, mais des êtres humains, l'exorcisme ne va pas à leur adresse. En second lieu, l'exorcisme est un anathème et une menace qui irrite l'Esprit malfaisant, et non une instruction capable de le toucher et de l'amener au bien.
Dans la circonstance présente, ces messieurs ont reconnu que ce pouvait être l'Esprit du frère mort en Algérie ; autrement, ils n'auraient pas conseillé d'aller chercher son corps, afin d'accomplir la promesse qui lui a été faite ; ils n'auraient pas recommandé des messes qui ne pouvaient être dites au profit des démons. Que devient donc la doctrine de ceux qui prétendent que les démons seuls peuvent se manifester, et que ce pouvoir est refusé aux âmes des hommes ? Si un Esprit humain a pu le faire dans le cas dont il s'agit, pourquoi ne le ferait-il pas en d'autres ? Pourquoi un Esprit bon et bienveillant ne se communiquerait-il pas par d'autres moyens que la violence, pour se rappeler au souvenir de ceux qu'il a aimés, ou pour leur donner de sages conseils ?
Il faut être conséquent avec soi-même. Dites carrément, une fois pour toutes, que ce sont toujours les démons, sans exception : on en croira ce qu'on voudra ; ou bien, reconnaissez que les Esprits sont les âmes des hommes, et que dans le nombre, il y en a de bons et de mauvais qui peuvent se communiquer.
Ici se présente une question spéciale au point de vue spirite. Comment des Esprits peuvent-ils tenir à ce que leur corps soit plutôt dans un endroit que dans un autre ? Les Esprits d'une certaine élévation n'y tiennent nullement ; mais les moins avancés ne sont pas tellement détachés de la matière, qu'ils n'attachent encore de l'importance aux choses terrestres, ainsi que le Spiritisme en offre de nombreux exemples. Mais ici l'Esprit peut être sollicité par un autre motif, celui de rappeler à son frère qu'il a manqué à sa promesse, négligence que celui-ci ne pouvait excuser par la gêne, puisqu'il est riche. Il s'était peut-être dit : « Bah ! mon frère est mort, il ne viendra pas faire sa réclamation, et ce sera une grande dépense de moins. » Or, supposons que le frère, fidèle à ses engagements, se fût, dès le principe, rendu en Algérie, mais qu'il eût été dans l'impossibilité de retrouver le corps, ou que, vu la confusion inévitable en temps de guerre, il eût rapporté au village un autre corps que celui de son parent, ce dernier n'en eût pas moins été satisfait, car le devoir moral eût été accompli. Les Esprits nous disent sans cesse : La pensée est tout ; la forme n'est rien, et nous n'y tenons pas.
Nouvel et définitif enterrement du Spiritisme
Que de fois n'a-t-on pas dit que le Spiritisme était mort et enterré ! Que d'écrivains se sont flattés de lui avoir donné le coup de grâce, les uns parce qu'ils avaient dit de gros mots assaisonnés de gros sel, les autres parce qu'ils avaient découvert un charlatan s'affublant du nom de Spirite, ou quelque grossière imitation d'un phénomène ! Sans parler de tous les sermons, mandements et brochures de même source dont le moindre croyait avoir lancé la foudre, l'apparition des spectres sur les théâtres fut saluée par un hourra ! sur toute la ligne. « Nous tenons le secret de ces Spirites, disaient à l'envi les journaux, petits et grands, depuis Perpignan jusqu'à Dunkerque ; jamais ils ne se relèveront de ce coup de massue ! » Les spectres ont passé, et le Spiritisme est resté debout. Puis vinrent les frères Davenport, apôtres et grands-prêtres du Spiritisme qu'ils ne connaissaient pas, et qu'aucun Spirite ne connaissait. Là encore, M. Robin a eu la gloire de sauver une seconde fois la France et l'humanité, tout en faisant très bien les affaires de son théâtre ; la presse a tressé des couronnes à ce courageux défenseur du bon sens, à ce savant qui avait découvert les ficelles du Spiritisme, comme M. le docteur Jobert (de Lamballe) avait découvert la ficelle du muscle craqueur. Cependant les frères Davenport sont partis sans les honneurs de la guerre ; le muscle craqueur est tombé dans l'eau, et le Spiritisme se porte toujours bien. Cela prouve évidemment une chose, c'est qu'il ne consiste ni dans les spectres de M. Robin, ni dans les cordes et les tambours de basque de MM. Davenport, ni dans le muscle court péronier[1]. C'est donc encore un coup manqué ; mais cette fois, voici le bon, le véritable, il est impossible que le Spiritisme s'en relève : c'est l'Événement, l'Opinion nationale et le Grand Journal qui nous l'apprennent et qui l'affirment. Une chose assez bizarre, c'est que le Spiritisme se plaît à reproduire tous les faits qu'on lui oppose, et qui, selon ses adversaires, doivent le tuer. S'il les croyait bien dangereux, il les tairait. Voici ce dont il s'agit :
« Le célèbre acteur anglais Sothem vient d'écrire à un journal de Glascow une lettre qui donne le dernier coup au Spiritisme. Ce journal lui reprochait d'attaquer sans ménagement les frères Davenport et les adeptes des influences occultes, après avoir lui-même donné des séances de Spiritisme en Amérique, sous le nom de Sticart, qui était alors son pseudonyme de théâtre. M. Sothem avoue très bien avoir fréquemment montré à ses amis qu'il était capable d'exécuter toutes les jongleries des Spirites, et même d'avoir fait des tours encore plus merveilleux ; mais jamais ses expériences n'ont été exécutées en dehors d'un petit cercle d'amis et de connaissances. Jamais il n'a fait payer un sou à qui que ce soit ; il faisait lui-même les frais de ses expériences, à la suite desquelles lui et ses amis se réunissaient dans un joyeux souper.
Avec le concours d'un Américain très actif, il a obtenu les résultats les plus curieux : l'apparition des fantômes, le bruit des instruments, les signatures de Shakspeare, les mains invisibles passant dans les cheveux des spectateurs en leur appliquant des soufflets, etc., etc.
M. Sothem a toujours dit que tous ces tours étaient le résultat de combinaisons ingénieuses, d'adresse et de dextérité, sans que les Esprits de l'autre monde y eussent aucune part.
En résumé, le célèbre artiste déclare qu'il met au défi les Hume, les Davenport, et tous les Spirites du monde, de faire aucune manifestation qu'il ne puisse surpasser.
Il n'a jamais entendu faire métier de son adresse, mais seulement déconcerter les fourbes, qui outragent la religion et volent l'argent du public, en lui faisant croire qu'ils ont une puissance surnaturelle, qu'ils entretiennent des relations avec l'autre monde, qu'ils peuvent évoquer les âmes des morts, M. Sothem ne prend pas de circonlocutions pour dire son opinion ; il dit les choses par leur noms et appelle un chat un chat et les Rollets… des fripons. »
MM. Davenport avaient contre eux deux choses que nos adversaires ont reconnues : les exhibitions théâtrales et l'exploitation. Croyant de bonne foi, du moins nous aimons à le penser, que le Spiritisme consiste dans des tours de force de la part des Esprits, les adversaires s'attendaient à ce que les Spirites allaient prendre fait et cause pour ces messieurs ; ils ont été un peu désappointés quand ils les ont vus, au contraire, désavouer ce genre de manifestations comme nuisible aux principes de la doctrine, et démontrer qu'il est illogique d'admettre que des Esprits soient à toute heure aux ordres du premier venu qui voudrait s'en servir pour gagner de l'argent. Certains critiques même ont, de leur propre mouvement, fait valoir cet argument contre MM. Davenport, sans se douter qu'ils plaidaient la cause du Spiritisme. L'idée de mettre en scène les Esprits et de les faire servir de comparses dans un but d'intérêt a fait éprouver un sentiment général de répulsion, presque de dégoût, même chez les incrédules, qui se sont dit : « Nous ne croyons pas aux Esprits, mais s'il y en a, ce n'est pas dans de telles conditions qu'ils doivent se montrer, et on doit les traiter avec plus de respect. » Ils ne croyaient pas à des Esprits venant à tant par séance, et en cela ils avaient parfaitement raison ; d'où il faut conclure que les exhibitions de choses extraordinaires et l'exploitation sont les plus mauvais moyens de faire des prosélytes. Si le Spiritisme patronnait ces choses-là, ce serait son côté faible ; ses adversaires le comprennent si bien, que c'est celui sur lequel ils ne négligent aucune occasion de frapper, croyant atteindre la doctrine. M. Gérôme, de l'Univers illustré, répondant à M. Blanc de Lalésie (voir notre Revue de décembre), qui lui reprochait de parler de ce qu'il ne connaissait pas, dit : « Pratiquement j'ai étudié le Spiritisme chez les frères Davenport, cela m'a coûté 15 francs. Il est vrai qu'aujourd'hui les frères Davenport travaillent dans les prix doux : pour 3 ou 5 francs on en peut voir la farce ; les prix de Robin, à la bonne heure ! »
L'auteur de l'article sur la jeune cataleptique de Souabe, lequel n'est nullement spirite (voir le n° de janvier, page 18), a soin de faire ressortir, comme un titre à la confiance dans ces phénomènes extraordinaires, que les parents ne songent nullement à tirer parti des étranges facultés de leur fille.
L'exploitation de l'idée spirite est donc bien et dûment un sujet de discrédit. Les Spirites désavouent la spéculation, c'est pour cela qu'on a soin de présenter l'acteur Sothem comme complètement désintéressé, dans l'espoir de s'en faire un argument victorieux. C'est toujours cette idée que le Spiritisme ne vit que de faits merveilleux et de jongleries.
Que la critique frappe donc tant qu'elle voudra sur les abus, qu'elle démasque les trucs et les ficelles des charlatans, le Spiritisme, qui n'use d'aucun procédé secret, et dont la doctrine est toute morale, ne peut que gagner à être débarrassée des parasites qui s'en font, un marchepied, et de ceux qui en dénaturent le caractère.
Le Spiritisme a eu pour adversaires des hommes d'une valeur réelle, comme savoir et comme intelligence, qui ont déployé contre lui sans succès tout l'arsenal de l'argumentation. Nous verrons si l'acteur Sothem réussira mieux que les autres à l'enterrer. Il le serait depuis longtemps s'il avait reposé sur les absurdités qu'on lui prête. Si donc, après avoir tué la jonglerie et décrié les pratiques ridicules, il existe toujours, c'est qu'il y a en lui quelque chose de plus sérieux qu'on n'a pu atteindre.
« Le célèbre acteur anglais Sothem vient d'écrire à un journal de Glascow une lettre qui donne le dernier coup au Spiritisme. Ce journal lui reprochait d'attaquer sans ménagement les frères Davenport et les adeptes des influences occultes, après avoir lui-même donné des séances de Spiritisme en Amérique, sous le nom de Sticart, qui était alors son pseudonyme de théâtre. M. Sothem avoue très bien avoir fréquemment montré à ses amis qu'il était capable d'exécuter toutes les jongleries des Spirites, et même d'avoir fait des tours encore plus merveilleux ; mais jamais ses expériences n'ont été exécutées en dehors d'un petit cercle d'amis et de connaissances. Jamais il n'a fait payer un sou à qui que ce soit ; il faisait lui-même les frais de ses expériences, à la suite desquelles lui et ses amis se réunissaient dans un joyeux souper.
Avec le concours d'un Américain très actif, il a obtenu les résultats les plus curieux : l'apparition des fantômes, le bruit des instruments, les signatures de Shakspeare, les mains invisibles passant dans les cheveux des spectateurs en leur appliquant des soufflets, etc., etc.
M. Sothem a toujours dit que tous ces tours étaient le résultat de combinaisons ingénieuses, d'adresse et de dextérité, sans que les Esprits de l'autre monde y eussent aucune part.
En résumé, le célèbre artiste déclare qu'il met au défi les Hume, les Davenport, et tous les Spirites du monde, de faire aucune manifestation qu'il ne puisse surpasser.
Il n'a jamais entendu faire métier de son adresse, mais seulement déconcerter les fourbes, qui outragent la religion et volent l'argent du public, en lui faisant croire qu'ils ont une puissance surnaturelle, qu'ils entretiennent des relations avec l'autre monde, qu'ils peuvent évoquer les âmes des morts, M. Sothem ne prend pas de circonlocutions pour dire son opinion ; il dit les choses par leur noms et appelle un chat un chat et les Rollets… des fripons. »
MM. Davenport avaient contre eux deux choses que nos adversaires ont reconnues : les exhibitions théâtrales et l'exploitation. Croyant de bonne foi, du moins nous aimons à le penser, que le Spiritisme consiste dans des tours de force de la part des Esprits, les adversaires s'attendaient à ce que les Spirites allaient prendre fait et cause pour ces messieurs ; ils ont été un peu désappointés quand ils les ont vus, au contraire, désavouer ce genre de manifestations comme nuisible aux principes de la doctrine, et démontrer qu'il est illogique d'admettre que des Esprits soient à toute heure aux ordres du premier venu qui voudrait s'en servir pour gagner de l'argent. Certains critiques même ont, de leur propre mouvement, fait valoir cet argument contre MM. Davenport, sans se douter qu'ils plaidaient la cause du Spiritisme. L'idée de mettre en scène les Esprits et de les faire servir de comparses dans un but d'intérêt a fait éprouver un sentiment général de répulsion, presque de dégoût, même chez les incrédules, qui se sont dit : « Nous ne croyons pas aux Esprits, mais s'il y en a, ce n'est pas dans de telles conditions qu'ils doivent se montrer, et on doit les traiter avec plus de respect. » Ils ne croyaient pas à des Esprits venant à tant par séance, et en cela ils avaient parfaitement raison ; d'où il faut conclure que les exhibitions de choses extraordinaires et l'exploitation sont les plus mauvais moyens de faire des prosélytes. Si le Spiritisme patronnait ces choses-là, ce serait son côté faible ; ses adversaires le comprennent si bien, que c'est celui sur lequel ils ne négligent aucune occasion de frapper, croyant atteindre la doctrine. M. Gérôme, de l'Univers illustré, répondant à M. Blanc de Lalésie (voir notre Revue de décembre), qui lui reprochait de parler de ce qu'il ne connaissait pas, dit : « Pratiquement j'ai étudié le Spiritisme chez les frères Davenport, cela m'a coûté 15 francs. Il est vrai qu'aujourd'hui les frères Davenport travaillent dans les prix doux : pour 3 ou 5 francs on en peut voir la farce ; les prix de Robin, à la bonne heure ! »
L'auteur de l'article sur la jeune cataleptique de Souabe, lequel n'est nullement spirite (voir le n° de janvier, page 18), a soin de faire ressortir, comme un titre à la confiance dans ces phénomènes extraordinaires, que les parents ne songent nullement à tirer parti des étranges facultés de leur fille.
L'exploitation de l'idée spirite est donc bien et dûment un sujet de discrédit. Les Spirites désavouent la spéculation, c'est pour cela qu'on a soin de présenter l'acteur Sothem comme complètement désintéressé, dans l'espoir de s'en faire un argument victorieux. C'est toujours cette idée que le Spiritisme ne vit que de faits merveilleux et de jongleries.
Que la critique frappe donc tant qu'elle voudra sur les abus, qu'elle démasque les trucs et les ficelles des charlatans, le Spiritisme, qui n'use d'aucun procédé secret, et dont la doctrine est toute morale, ne peut que gagner à être débarrassée des parasites qui s'en font, un marchepied, et de ceux qui en dénaturent le caractère.
Le Spiritisme a eu pour adversaires des hommes d'une valeur réelle, comme savoir et comme intelligence, qui ont déployé contre lui sans succès tout l'arsenal de l'argumentation. Nous verrons si l'acteur Sothem réussira mieux que les autres à l'enterrer. Il le serait depuis longtemps s'il avait reposé sur les absurdités qu'on lui prête. Si donc, après avoir tué la jonglerie et décrié les pratiques ridicules, il existe toujours, c'est qu'il y a en lui quelque chose de plus sérieux qu'on n'a pu atteindre.
[1]Voir la Revue Spirite de juin 1859, page 141 : Le muscle craqueur. Le Moniteur et d'autres journaux ont annoncé, il y a déjà quelque temps, que M. le docteur Jobert (de Lamballe) avait été atteint d'aliénation mentale, et se trouvait actuellement dans une maison de santé. Ce triste événement n'est assurément pas l'effet de sa croyance aux Esprits.
Les quiproquos
L'avidité avec laquelle les détracteurs du Spiritisme saisissent les moindres nouvelles qu'ils croient lui être défavorables, les expose à de singulières méprises. Leur empressement à les publier est tel qu'ils ne se donnent pas le temps d'en vérifier l'exactitude. A quoi bon, d'ailleurs, se donner cette peine ! la vérité du fait est une question secondaire ; pourvu qu'il en rejaillisse du ridicule, c'est l'essentiel. Cette précipitation a parfois ses inconvénients, et dans tous les cas atteste une légèreté qui est loin d'ajouter à la valeur de la critique.
Jadis, les bateleurs s'appelaient tout simplement escamoteurs ; ce nom étant tombé en discrédit, ils y substituèrent le mot prestidigitateurs, mais qui rappelait encore trop le joueur de gobelets. Le célèbre Conte fut, croyons-nous, le premier qui se décora du titre de physicien et qui obtint le privilège, sous la Restauration, de mettre sur ses affiches et sur l'enseigne de son théâtre : Physicien du roi. Depuis lors, il n'y eut si mince escamoteur courant les foires qui ne s'intitulât aussi : physicien, professeur de physique, etc., manière comme une autre de jeter de la poudre aux yeux d'un certain public qui, n'en sachant pas davantage, les mit de bonne foi sur la même ligne que les physiciens de la Faculté des sciences. Assurément, l'art de la prestidigitation a fait d'immenses progrès, et l'on ne peut contester à quelques-uns de ceux qui le pratiquent avec éclat, des connaissances spéciales, un talent réel, et un caractère honorable ; mais ce n'est toujours que l'art de produire des illusions avec plus ou moins d'habileté, et non une science sérieuse ayant sa place à l'Institut.
M. Robin s'est acquis dans ce genre une célébrité à laquelle n'a pas peu contribué le rôle qu'il a joué dans l'affaire des frères Davenport. Ces messieurs, à tort ou à raison, ont prétendu qu'ils opéraient à l'aide des Esprits ; était-ce de leur part un nouveau moyen de piquer la curiosité en sortant des sentiers battus ? Ce n'est pas ici le lieu d'exprimer la question. Quoi qu'il en soit, par cela seul qu'ils se sont dits agents des Esprits, ceux qui n'en veulent à aucun prit ont crié haro ! M. Robin, en homme habile à saisir l'à propos, monte aussitôt sur la brèche ; il déclare produire les mêmes effets par de simples tours d'adresse ; la critique, croyant les Esprits morts, chante victoire le proclame vainqueur.
Mais l'enthousiasme est aveugle, et commet parfois d'étranges maladresses. Il y a bien des Robin dans le monde, comme il y a bien des Martin. Voilà qu'un M. Robin, professeur de physique, vient d'être élu membre de l'Académie des sciences. Plus de doute ; ce ne peut être que M. Robin, le physicien du boulevard du Temple, le rival des frères Davenport, qui chaque soir pourfend les Esprits sur son théâtre, et sans plus ample informé, un journal sérieux, l'Opinion nationale, dans son feuilleton du samedi, 20 janvier publie l'article suivant :
« Les événements de la semaine auront tort. Il y en avait pourtant d'assez curieux dans le nombre. Par exemple, l'élection de Charles Robin à l'Académie des sciences. Il y avait longtemps que nous plaidions ici dans l'intérêt de sa candidature ; mais on prêchait bien haut contre elle en plus d'un endroit. Le fait est que ce nom de Robin a quelque chose de diabolique. Souvenez-vous de Robin des Bois. Le héros des Mémoires du Diable ne s'appelle-t-il pas Robin ? C'est un physicien aussi savant qu'aimable, M. Robin, qui a attaché le grelot au cou des Davenport. Le grelot a grossi, grossi ; il est devenu plus énorme et plus retentissant que le bourdon de Notre-Dame ; les pauvres farceurs, abasourdis par le bruit qu'ils faisaient, ont dû s'enfuir en Amérique, et l'Amérique elle-même n'en veut plus. Grande victoire du bon sens ; défaite du surnaturel ! Il comptait prendre une revanche à l'Académie des sciences, et il a fait des efforts héroïques pour exclure cet ennemi, ce positiviste, ce mécréant illustre qui s'appelle Charles Robin. Et voilà qu'au sein même d'une Académie si bien pensante, le surnaturel est encore battu. Charles Robin va s'asseoir à la gauche de M. Pasteur. Et nous ne sommes plus au temps des douces fables, au temps heureux et regretté où la houlette du pasteur imposait à Robin mouton !
Ed. About. »
Pour qui est la mystification ? Nous serions vraiment tentés de croire que quelque Esprit malin a conduit la plume de l'auteur de l'article.
Voici un autre quiproquo qui, pour être moins amusant, ne prouve pas moins la légèreté avec laquelle la critique accueille, sans examen, tout ce qu'elle croit contraire au Spiritisme, qu'elle s'obstine, malgré tout ce qui a été dit, à incarner dans les frères Davenport ; d'où elle conclut que tout ce qui est un échec pour ces messieurs en est un pour la doctrine, qui n'est pas plus solidaire de ceux qui en prennent le nom, que la véritable physique n'est solidaire de ceux qui usurpent le nom de physicien.
Plusieurs journaux se sont empressés de reproduire l'article suivant d'après le Messager franco-américain ; ils devraient pourtant, mieux que personne, savoir que tout ce qui est imprimé n'est pas parole d'Évangile :
« Ces pauvres frères Davenport ne pouvaient échapper au ridicule qui attend les charlatans de toute espèce. Crus et prônés aux États-Unis, où ils ont longtemps battu monnaie, puis dévoilés et moqués dans la capitale de la France, moins facile à subir le humbug, il fallait qu'ils reçussent, dans la salle même de leurs grands exploits à New-York, le dernier démenti qu'ils méritaient.
Ce démenti, c'est leur ancien compagnon et compère, M. Fay, qui vient de le leur donner publiquement, dans la salle du Cooper Institute, samedi soir, en présence d'une nombreuse assemblée.
Là, M. Fay a tout dévoilé, les secrets de la fameuse armoire, le secret des cordes et des nœuds et de toutes les jongleries si longtemps employées avec succès. Comédie humaine ! Et dire qu'il y a des gens, sérieux et instruits, qui ont admiré et défendu les frères Davenport, et qui ont appelé Spiritisme des farces qui seraient peut-être tolérées en carnaval ! »
Nous n'avons pas à prendre fait et cause pour MM. Davenport, dont nous avons toujours condamné les exhibitions comme contraires aux principes de la simple doctrine spirite. Mais, quelque opinion que l'on se fasse à leur sujet, nous devons à la vérité de dire que c'est à tort qu'on a inféré de cet article qu'ils étaient à New-York et y avaient été bafoués. Nous tenons de source certaine qu'en quittant Paris, ils sont retournés en Angleterre, où ils sont encore en ce moment. Le M. Fay qui aurait dévoilé leurs secrets n'est point leur beau-frère, William Fay, qui les accompagne, mais un nommé H. Melleville Fay, qui produisait des effets semblables en Amérique, et dont il est question dans leur biographie, avec recommandation de ne pas les confondre. Il n'y a rien d'étonnant à ce que ce monsieur, qui leur faisait concurrence, ait jugé à propos de profiter de leur absence pour leur jouer pièce, et les discréditer à son profit. Dans cette lutte au phénomène on ne saurait voir du Spiritisme. C'est ce que donne à entendre la fin de l'article, par cette phrase : « Et dire qu'il y a des gens sérieux qui ont appelé spiritisme des farces qui seraient peut-être tolérées en carnaval ! » Cette exclamation a tout l'air d'un blâme à l'adresse de ceux qui confondent des choses aussi disparates.
Les frères Davenport ont fourni aux détracteurs du Spiritisme l'occasion ou le prétexte d'une formidable levée de boucliers, en présence de laquelle il est resté debout, calme et impassible, continuant sa route sans s'émouvoir du tapage qu'on faisait autour de lui. Un fait digne de remarque, c'est que ses adeptes, loin de s'en effrayer, ont été unanimes pour considérer cette effervescence comme éminemment utile à leur cause, certains que le Spiritisme ne peut que gagner à être connu. La critique est tombée à bras raccourcis sur MM. Davenport, croyant tuer en eux le Spiritisme ; si celui-ci n'a pas crié, c'est qu'il ne s'est pas senti frappé. Ce qu'elle a tué, c'est précisément ce qu'il condamne et désavoue : l'exploitation, les exhibitions publiques, le charlatanisme, les manœuvres frauduleuses, les imitations grossières de phénomènes naturels qui se produisent dans des conditions tout autres, l'abus d'un nom qui représente une doctrine toute morale, d'amour et de charité. Après cette rude leçon, nous croyons qu'il serait téméraire de tenter la fortune par de pareils moyens.
Il en est résulté, il est vrai, une certaine confusion momentanée dans l'esprit de quelques personnes, une sorte d'hésitation assez naturelle chez celles qui n'ont entendu que le blâme jeté avec partialité, sans faire la part du vrai et du faux ; mais de ce mal est sorti un grand bien : le désir de connaître, qui ne peut tourner qu'au profit de la doctrine.
Merci donc à la critique d'avoir fait, à l'aide des puissants moyens dont elle dispose, ce que les Spirites n'auraient pas pu faire par eux-mêmes ; elle a avancé la question de plusieurs années, et convaincu une fois de plus ses adversaires d'impuissance. Au reste, le public a tellement été rebattu du nom des Davenport, que cela commence à lui sembler aussi fastidieux que le cri de Lambert ; il est temps pour la chronique qu'il lui arrive quelque nouveau sujet à exploiter.
Jadis, les bateleurs s'appelaient tout simplement escamoteurs ; ce nom étant tombé en discrédit, ils y substituèrent le mot prestidigitateurs, mais qui rappelait encore trop le joueur de gobelets. Le célèbre Conte fut, croyons-nous, le premier qui se décora du titre de physicien et qui obtint le privilège, sous la Restauration, de mettre sur ses affiches et sur l'enseigne de son théâtre : Physicien du roi. Depuis lors, il n'y eut si mince escamoteur courant les foires qui ne s'intitulât aussi : physicien, professeur de physique, etc., manière comme une autre de jeter de la poudre aux yeux d'un certain public qui, n'en sachant pas davantage, les mit de bonne foi sur la même ligne que les physiciens de la Faculté des sciences. Assurément, l'art de la prestidigitation a fait d'immenses progrès, et l'on ne peut contester à quelques-uns de ceux qui le pratiquent avec éclat, des connaissances spéciales, un talent réel, et un caractère honorable ; mais ce n'est toujours que l'art de produire des illusions avec plus ou moins d'habileté, et non une science sérieuse ayant sa place à l'Institut.
M. Robin s'est acquis dans ce genre une célébrité à laquelle n'a pas peu contribué le rôle qu'il a joué dans l'affaire des frères Davenport. Ces messieurs, à tort ou à raison, ont prétendu qu'ils opéraient à l'aide des Esprits ; était-ce de leur part un nouveau moyen de piquer la curiosité en sortant des sentiers battus ? Ce n'est pas ici le lieu d'exprimer la question. Quoi qu'il en soit, par cela seul qu'ils se sont dits agents des Esprits, ceux qui n'en veulent à aucun prit ont crié haro ! M. Robin, en homme habile à saisir l'à propos, monte aussitôt sur la brèche ; il déclare produire les mêmes effets par de simples tours d'adresse ; la critique, croyant les Esprits morts, chante victoire le proclame vainqueur.
Mais l'enthousiasme est aveugle, et commet parfois d'étranges maladresses. Il y a bien des Robin dans le monde, comme il y a bien des Martin. Voilà qu'un M. Robin, professeur de physique, vient d'être élu membre de l'Académie des sciences. Plus de doute ; ce ne peut être que M. Robin, le physicien du boulevard du Temple, le rival des frères Davenport, qui chaque soir pourfend les Esprits sur son théâtre, et sans plus ample informé, un journal sérieux, l'Opinion nationale, dans son feuilleton du samedi, 20 janvier publie l'article suivant :
« Les événements de la semaine auront tort. Il y en avait pourtant d'assez curieux dans le nombre. Par exemple, l'élection de Charles Robin à l'Académie des sciences. Il y avait longtemps que nous plaidions ici dans l'intérêt de sa candidature ; mais on prêchait bien haut contre elle en plus d'un endroit. Le fait est que ce nom de Robin a quelque chose de diabolique. Souvenez-vous de Robin des Bois. Le héros des Mémoires du Diable ne s'appelle-t-il pas Robin ? C'est un physicien aussi savant qu'aimable, M. Robin, qui a attaché le grelot au cou des Davenport. Le grelot a grossi, grossi ; il est devenu plus énorme et plus retentissant que le bourdon de Notre-Dame ; les pauvres farceurs, abasourdis par le bruit qu'ils faisaient, ont dû s'enfuir en Amérique, et l'Amérique elle-même n'en veut plus. Grande victoire du bon sens ; défaite du surnaturel ! Il comptait prendre une revanche à l'Académie des sciences, et il a fait des efforts héroïques pour exclure cet ennemi, ce positiviste, ce mécréant illustre qui s'appelle Charles Robin. Et voilà qu'au sein même d'une Académie si bien pensante, le surnaturel est encore battu. Charles Robin va s'asseoir à la gauche de M. Pasteur. Et nous ne sommes plus au temps des douces fables, au temps heureux et regretté où la houlette du pasteur imposait à Robin mouton !
Ed. About. »
Pour qui est la mystification ? Nous serions vraiment tentés de croire que quelque Esprit malin a conduit la plume de l'auteur de l'article.
Voici un autre quiproquo qui, pour être moins amusant, ne prouve pas moins la légèreté avec laquelle la critique accueille, sans examen, tout ce qu'elle croit contraire au Spiritisme, qu'elle s'obstine, malgré tout ce qui a été dit, à incarner dans les frères Davenport ; d'où elle conclut que tout ce qui est un échec pour ces messieurs en est un pour la doctrine, qui n'est pas plus solidaire de ceux qui en prennent le nom, que la véritable physique n'est solidaire de ceux qui usurpent le nom de physicien.
Plusieurs journaux se sont empressés de reproduire l'article suivant d'après le Messager franco-américain ; ils devraient pourtant, mieux que personne, savoir que tout ce qui est imprimé n'est pas parole d'Évangile :
« Ces pauvres frères Davenport ne pouvaient échapper au ridicule qui attend les charlatans de toute espèce. Crus et prônés aux États-Unis, où ils ont longtemps battu monnaie, puis dévoilés et moqués dans la capitale de la France, moins facile à subir le humbug, il fallait qu'ils reçussent, dans la salle même de leurs grands exploits à New-York, le dernier démenti qu'ils méritaient.
Ce démenti, c'est leur ancien compagnon et compère, M. Fay, qui vient de le leur donner publiquement, dans la salle du Cooper Institute, samedi soir, en présence d'une nombreuse assemblée.
Là, M. Fay a tout dévoilé, les secrets de la fameuse armoire, le secret des cordes et des nœuds et de toutes les jongleries si longtemps employées avec succès. Comédie humaine ! Et dire qu'il y a des gens, sérieux et instruits, qui ont admiré et défendu les frères Davenport, et qui ont appelé Spiritisme des farces qui seraient peut-être tolérées en carnaval ! »
Nous n'avons pas à prendre fait et cause pour MM. Davenport, dont nous avons toujours condamné les exhibitions comme contraires aux principes de la simple doctrine spirite. Mais, quelque opinion que l'on se fasse à leur sujet, nous devons à la vérité de dire que c'est à tort qu'on a inféré de cet article qu'ils étaient à New-York et y avaient été bafoués. Nous tenons de source certaine qu'en quittant Paris, ils sont retournés en Angleterre, où ils sont encore en ce moment. Le M. Fay qui aurait dévoilé leurs secrets n'est point leur beau-frère, William Fay, qui les accompagne, mais un nommé H. Melleville Fay, qui produisait des effets semblables en Amérique, et dont il est question dans leur biographie, avec recommandation de ne pas les confondre. Il n'y a rien d'étonnant à ce que ce monsieur, qui leur faisait concurrence, ait jugé à propos de profiter de leur absence pour leur jouer pièce, et les discréditer à son profit. Dans cette lutte au phénomène on ne saurait voir du Spiritisme. C'est ce que donne à entendre la fin de l'article, par cette phrase : « Et dire qu'il y a des gens sérieux qui ont appelé spiritisme des farces qui seraient peut-être tolérées en carnaval ! » Cette exclamation a tout l'air d'un blâme à l'adresse de ceux qui confondent des choses aussi disparates.
Les frères Davenport ont fourni aux détracteurs du Spiritisme l'occasion ou le prétexte d'une formidable levée de boucliers, en présence de laquelle il est resté debout, calme et impassible, continuant sa route sans s'émouvoir du tapage qu'on faisait autour de lui. Un fait digne de remarque, c'est que ses adeptes, loin de s'en effrayer, ont été unanimes pour considérer cette effervescence comme éminemment utile à leur cause, certains que le Spiritisme ne peut que gagner à être connu. La critique est tombée à bras raccourcis sur MM. Davenport, croyant tuer en eux le Spiritisme ; si celui-ci n'a pas crié, c'est qu'il ne s'est pas senti frappé. Ce qu'elle a tué, c'est précisément ce qu'il condamne et désavoue : l'exploitation, les exhibitions publiques, le charlatanisme, les manœuvres frauduleuses, les imitations grossières de phénomènes naturels qui se produisent dans des conditions tout autres, l'abus d'un nom qui représente une doctrine toute morale, d'amour et de charité. Après cette rude leçon, nous croyons qu'il serait téméraire de tenter la fortune par de pareils moyens.
Il en est résulté, il est vrai, une certaine confusion momentanée dans l'esprit de quelques personnes, une sorte d'hésitation assez naturelle chez celles qui n'ont entendu que le blâme jeté avec partialité, sans faire la part du vrai et du faux ; mais de ce mal est sorti un grand bien : le désir de connaître, qui ne peut tourner qu'au profit de la doctrine.
Merci donc à la critique d'avoir fait, à l'aide des puissants moyens dont elle dispose, ce que les Spirites n'auraient pas pu faire par eux-mêmes ; elle a avancé la question de plusieurs années, et convaincu une fois de plus ses adversaires d'impuissance. Au reste, le public a tellement été rebattu du nom des Davenport, que cela commence à lui sembler aussi fastidieux que le cri de Lambert ; il est temps pour la chronique qu'il lui arrive quelque nouveau sujet à exploiter.
Notice bibliographique
A l'occasion de notre article du mois dernier sur le Dictionnaire universel, beaucoup de personnes nous ont demandé des renseignements sur le mode de souscription et de payement. Voici la note qui nous a été donnée à ce sujet par la direction.
Prix de chaque livraison de 8 pages : 10 c. Il parait deux livraisons par semaine. ‑ Les envois par la poste ne se font que par séries de 40 livraisons, dont le prix est de 4 fr. pour Paris, 5 fr. pour les départements, et 6 fr. pour l'étranger. ‑ On peut souscrire pour un nombre quelconque de séries ; il suffit d'en envoyer le prix au directeur, 38, boulevard Sébastopol, à Paris. La première série est en vente ; la deuxième sera complète sous peu. ‑ Les personnes qui désirent recevoir l'ouvrage par livraisons doivent s'adresser aux libraires de leur localité.
Prix de chaque livraison de 8 pages : 10 c. Il parait deux livraisons par semaine. ‑ Les envois par la poste ne se font que par séries de 40 livraisons, dont le prix est de 4 fr. pour Paris, 5 fr. pour les départements, et 6 fr. pour l'étranger. ‑ On peut souscrire pour un nombre quelconque de séries ; il suffit d'en envoyer le prix au directeur, 38, boulevard Sébastopol, à Paris. La première série est en vente ; la deuxième sera complète sous peu. ‑ Les personnes qui désirent recevoir l'ouvrage par livraisons doivent s'adresser aux libraires de leur localité.